Tracks : Signs Of Life ; Learning To Fly ; The Dogs of War ; One Slip ; On The Turning Away ; Yet Another Movie/Round And Around ; A New Machine, Part 1 ; Terminal Frost ; A New Machine Part 2 ; Sorrow
Un homme assis sur un lit d'hôpital, seul sur une plage uniquement gardée par quelques chiens. Lorsqu'on déplie le vinyle, une infirmière apparait sur la gauche. Comme venant au secours de cet homme isolé qui semble perdu. Jolie métaphore de la situation dans laquelle se trouve Pink Floyd au milieu des années 80. Après la prise de pouvoir puis le départ de Roger Waters en 85 il ne reste plus grand chose d'un des plus grands groupes des années 70. Quelque chose s'est brisé derrière les briques du phénoménal et furieux mur bâti par Waters. Quelque chose qui a éclaté au grand jour avec Pink Floyd - The Final Cut (1983) . Le groupe n'en est plus vraiment un. Waters est parti mener sa carrière solo et Rick Wright a été viré. Ne reste plus que Nick Mason du groupe d'origine et Gilmour qui décide de devenir le troisième leader de Pink Floyd, après Barrett et Waters. S'en suit une longue bataille juridique avec Roger Waters pour savoir si le duo Mason/Gilmour (et Wright plus ou moins réintégré comme musicien additionnel) peut se produire sous le nom de Pink Floyd. Une bagarre qui tournera finalement en faveur du batteur et du guitariste. Mais pendant de longs mois, le nom de Pink Floyd n'a été utilisé que dans des prétoires et non sur scène. Et encore moins sur disque. Et David Gilmour, depuis sa péniche d'Astoria qu'il a reconverti en studio décide finalement de publier ses nouvelles compositions sous le nom de Pink Floyd, avec l'aide de Mason et Wright. Pour l'aider, Gilmour fait aussi appel à Bob Erzin, producteur de The Wall qui vient de refuser de travailler sur Radio K.A.O.S, nouvel album solo de Waters. A-t-il cependant fait le bon choix de préférer cette nouvelle mouture de Pink Floyd à son ancien bassiste en solo?
Dès l'instrumental d'ouverture Signs Of Life on sent que c'est bel et bien Gilmour qui a repris les commandes du Floyd. L'ambiance se fait immédiatement planante, portée par les bruits de rames qui s'enfoncent dans l'eau... La guitare semble prendre une direction qui rappelle un peu le son de Shine On You Crazy Diamond. Forcément de manière moindre, mais l'ambiance se pose, fluviale et douce. Quel dommage qu'il y ait quelques sons de production qui aient beaucoup vieilli, alors même que le Floyd a créé tant d'albums intemporels... Idem, là où Pink Floyd faisait par le passé des transitions à vous faire pâlir tous les groupes de rock, Learning To Fly tranche nettement dans l'ambiance instaurée par Signs Of Life sans aucune transition (l'album ne s'embarrassera d'aucune réelle transition d'ailleurs). C'est dommage car Learning To Fly (inspiré par les leçons de pilotage que Mason et Gilmour prenaient) est un excellent morceau, au très bon riff, avec une voix magistralement aérienne de Gilmour et à la production un peu grandiloquente (enfin après The Wall, c'est plutôt soft) mais efficace. Il servit de single à l'album et c'est en effet un des meilleurs titres de la galette.
Par contre The Dogs Of War est nettement plus discutable. C'est la seule tentative des deux albums où Gilmour mène le Floyd (celui-ci et The Division Bell) de créer un morceau agressif, comme savait les faire Waters. Et là, le bassiste manque cruellement, tant dans le chant (Gilmour est moyennement convaincant dans ce registre) que dans la tension créée dans le morceau. A part le solo de guitare (forcément impeccable), il n'y a pas grand chose à sauver dans ce titre, plutôt mollasson et loupé. Et ce même sans évoquer les chefs d'œuvres présents sur Pink Floyd - Animals (1977)...
Le passé... Dur de ne pas y penser en écoutant One Slip. Car si l'intemporalité des albums du Floyd explique encore en partie leur succès (Existe-t-il un album mieux produit dans les années 70 que le Dark Side of The Moon?), A Momentary Lapse Of Reason est lui définitivement ancré dans les années 80. Et ce One Slip accuse sévèrement le coup de son ambiance pop-rock années 80. Tout y est dans les effets de production, la structure du morceau (très typé pop-rock FM) le son de la batterie et des synthés. Alors certes ça reste de bonne facture, notamment grâce au chant de Gilmour, mais il faut aimer les sonorités des années 80 pour apprécier ce morceau. Hors ce n'est pas mon cas...
On The Turning Away renoue lui plus avec le Floyd qu'on connait, en gardant une certaine intemporalité et un style aérien superbe. Évidemment l'apothéose du morceau est le long solo de guitare qui le conclut... Si l'album peut paraître discutable, il y a au moins une chose dont on est sur à la fin de cette face A : David Gilmour est en forme et porte le projet à bout de bras.
Et c'est un autre instrumental qui relance la face B, comme Signs Of Life pour la face A. Yet Another Movie/Round And Around souffre néanmoins du même problème que One Slip. Trop ancré dans les années 80. Le morceau est néanmoins sympathique, sans être transcendant. Encore une fois la guitare de Gilmour fait quelques merveilles et l'ambiance se fait assez planante. Manque simplement un petit quelque chose qui rendrait le morceau vraiment bon, comme le seront ceux de The Division Bell 7 ans plus tard. Peut-être une plus grande implication de Wright aux claviers, lui qui est pour beaucoup dans le « son » du Floyd...
Passons sur les deux parties d'A New Machine, morceau très court uniquement composé de la voix de Gilmour a Capella reprise par un vocoder en écho. Minimal et expérimental (après tout le groupe était très expérimental à ses débuts), mais assez anodin néanmoins.
La face B est d'ailleurs dominée par des morceaux instrumentaux expérimentaux... Terminal Frost est un de ces instrumentaux, porté par une guitare acoustique, un saxo et beaucoup d'idées de production. Planant tout en étant un peu inquiétant et froid, cet instrumental refroidit vite une ambiance déjà assez glacée. Néanmoins comme un lac gelé ou un paysage enneigé, il recèle d'une beauté propre qui nous fait voyager...
De quoi nous mener vers l'apothéose finale d'A Momentary Lapse Of Reason, sa pièce finale : Sorrow. En exagérant à peine, A Momentary Lapse Of Reason se justifie pour 3 raisons : Learning To Fly, Terminal Frost et Sorrow. Ce morceau final au riff lourd et à l'ambiance entrainante est le plus long de l'album. Pourtant c'est celui qu'on sent passer le plus rapidement, tant il est majestueux, tant la voix de Gilmour est juste ici et tant l'alliance avec les sons des années 80 semble naturelle (malgré un son de batterie/boite à rythmes assez moche). Inutile de dire aussi que le solo de guitare final est un régal... Le morceau sera une pièce de choix dans le répertoire live du groupe pour les années suivantes (cf le live PULSE).
Mais si Sorrow et Terminal Frost laissent un bon souvenir à la fin de l'album, inutile de se voiler la face. A Momentary Lapse Of Reason n'est pas un album exceptionnel du Floyd. Très ancré dans les années 80, ce projet solo de David Gilmour maquillé sous le nom de Pink Floyd (Mason et Wright ne s'impliqueront vraiment que dans les concerts et pour The Division Bell) est même un des plus mauvais albums du groupe. Un des plus dispensables en tout cas, car il n'est pas non plus honteux. Il reste toujours supérieur à The Final Cut à mon goût ou au ridicule Radio K.A.O.S sorti par Waters la même année. Mais cette perte momentanée de raison n'est pas vraiment à la hauteur du mythe et il faudra attendre The Division Bell pour voir un album de Pink Floyd vraiment intéressant. Les années 80 ont été dures pour ce groupe...
10/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
Moi-même.