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15 août 2011 1 15 /08 /août /2011 20:11

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Tracks : Signs Of Life ; Learning To Fly ; The Dogs of War ; One Slip ; On The Turning Away ; Yet Another Movie/Round And Around ; A New Machine, Part 1 ; Terminal Frost ; A New Machine Part 2 ; Sorrow

 

Un homme assis sur un lit d'hôpital, seul sur une plage uniquement gardée par quelques chiens. Lorsqu'on déplie le vinyle, une infirmière apparait sur la gauche. Comme venant au secours de cet homme isolé qui semble perdu. Jolie métaphore de la situation dans laquelle se trouve Pink Floyd au milieu des années 80. Après la prise de pouvoir puis le départ de Roger Waters en 85 il ne reste plus grand chose d'un des plus grands groupes des années 70. Quelque chose s'est brisé derrière les briques du phénoménal et furieux mur bâti par Waters. Quelque chose qui a éclaté au grand jour avec Pink Floyd - The Final Cut (1983) . Le groupe n'en est plus vraiment un. Waters est parti mener sa carrière solo et Rick Wright a été viré. Ne reste plus que Nick Mason du groupe d'origine et Gilmour qui décide de devenir le troisième leader de Pink Floyd, après Barrett et Waters. S'en suit une longue bataille juridique avec Roger Waters pour savoir si le duo Mason/Gilmour (et Wright plus ou moins réintégré comme musicien additionnel) peut se produire sous le nom de Pink Floyd. Une bagarre qui tournera finalement en faveur du batteur et du guitariste. Mais pendant de longs mois, le nom de Pink Floyd n'a été utilisé que dans des prétoires et non sur scène. Et encore moins sur disque. Et David Gilmour, depuis sa péniche d'Astoria qu'il a reconverti en studio décide finalement de publier ses nouvelles compositions sous le nom de Pink Floyd, avec l'aide de Mason et Wright. Pour l'aider, Gilmour fait aussi appel à Bob Erzin, producteur de The Wall qui vient de refuser de travailler sur Radio K.A.O.S, nouvel album solo de Waters. A-t-il cependant fait le bon choix de préférer cette nouvelle mouture de Pink Floyd à son ancien bassiste en solo?

 

Dès l'instrumental d'ouverture Signs Of Life on sent que c'est bel et bien Gilmour qui a repris les commandes du Floyd. L'ambiance se fait immédiatement planante, portée par les bruits de rames qui s'enfoncent dans l'eau... La guitare semble prendre une direction qui rappelle un peu le son de Shine On You Crazy Diamond. Forcément de manière moindre, mais l'ambiance se pose, fluviale et douce. Quel dommage qu'il y ait quelques sons de production qui aient beaucoup vieilli, alors même que le Floyd a créé tant d'albums intemporels... Idem, là où Pink Floyd faisait par le passé des transitions à vous faire pâlir tous les groupes de rock, Learning To Fly tranche nettement dans l'ambiance instaurée par Signs Of Life sans aucune transition (l'album ne s'embarrassera d'aucune réelle transition d'ailleurs). C'est dommage car Learning To Fly (inspiré par les leçons de pilotage que Mason et Gilmour prenaient) est un excellent morceau, au très bon riff, avec une voix magistralement aérienne de Gilmour et à la production un peu grandiloquente (enfin après The Wall, c'est plutôt soft) mais efficace. Il servit de single à l'album et c'est en effet un des meilleurs titres de la galette.

 

Par contre The Dogs Of War est nettement plus discutable. C'est la seule tentative des deux albums où Gilmour mène le Floyd (celui-ci et The Division Bell) de créer un morceau agressif, comme savait les faire Waters. Et là, le bassiste manque cruellement, tant dans le chant (Gilmour est moyennement convaincant dans ce registre) que dans la tension créée dans le morceau. A part le solo de guitare (forcément impeccable), il n'y a pas grand chose à sauver dans ce titre, plutôt mollasson et loupé. Et ce même sans évoquer les chefs d'œuvres présents sur Pink Floyd - Animals (1977)...

 

Le passé... Dur de ne pas y penser en écoutant One Slip. Car si l'intemporalité des albums du Floyd explique encore en partie leur succès (Existe-t-il un album mieux produit dans les années 70 que le Dark Side of The Moon?), A Momentary Lapse Of Reason est lui définitivement ancré dans les années 80. Et ce One Slip accuse sévèrement le coup de son ambiance pop-rock années 80. Tout y est dans les effets de production, la structure du morceau (très typé pop-rock FM) le son de la batterie et des synthés. Alors certes ça reste de bonne facture, notamment grâce au chant de Gilmour, mais il faut aimer les sonorités des années 80 pour apprécier ce morceau. Hors ce n'est pas mon cas...

 

On The Turning Away renoue lui plus avec le Floyd qu'on connait, en gardant une certaine intemporalité et un style aérien superbe. Évidemment l'apothéose du morceau est le long solo de guitare qui le conclut... Si l'album peut paraître discutable, il y a au moins une chose dont on est sur à la fin de cette face A : David Gilmour est en forme et porte le projet à bout de bras.

 

Et c'est un autre instrumental qui relance la face B, comme Signs Of Life pour la face A. Yet Another Movie/Round And Around souffre néanmoins du même problème que One Slip. Trop ancré dans les années 80. Le morceau est néanmoins sympathique, sans être transcendant. Encore une fois la guitare de Gilmour fait quelques merveilles et l'ambiance se fait assez planante. Manque simplement un petit quelque chose qui rendrait le morceau vraiment bon, comme le seront ceux de The Division Bell 7 ans plus tard. Peut-être une plus grande implication de Wright aux claviers, lui qui est pour beaucoup dans le « son » du Floyd...

 

Passons sur les deux parties d'A New Machine, morceau très court uniquement composé de la voix de Gilmour a Capella reprise par un vocoder en écho. Minimal et expérimental (après tout le groupe était très expérimental à ses débuts), mais assez anodin néanmoins.

 

La face B est d'ailleurs dominée par des morceaux instrumentaux expérimentaux... Terminal Frost est un de ces instrumentaux, porté par une guitare acoustique, un saxo et beaucoup d'idées de production. Planant tout en étant un peu inquiétant et froid, cet instrumental refroidit vite une ambiance déjà assez glacée. Néanmoins comme un lac gelé ou un paysage enneigé, il recèle d'une beauté propre qui nous fait voyager...

 

De quoi nous mener vers l'apothéose finale d'A Momentary Lapse Of Reason, sa pièce finale : Sorrow. En exagérant à peine, A Momentary Lapse Of Reason se justifie pour 3 raisons : Learning To Fly, Terminal Frost et Sorrow. Ce morceau final au riff lourd et à l'ambiance entrainante est le plus long de l'album. Pourtant c'est celui qu'on sent passer le plus rapidement, tant il est majestueux, tant la voix de Gilmour est juste ici et tant l'alliance avec les sons des années 80 semble naturelle (malgré un son de batterie/boite à rythmes assez moche). Inutile de dire aussi que le solo de guitare final est un régal... Le morceau sera une pièce de choix dans le répertoire live du groupe pour les années suivantes (cf le live PULSE).

 

Mais si Sorrow et Terminal Frost laissent un bon souvenir à la fin de l'album, inutile de se voiler la face. A Momentary Lapse Of Reason n'est pas un album exceptionnel du Floyd. Très ancré dans les années 80, ce projet solo de David Gilmour maquillé sous le nom de Pink Floyd (Mason et Wright ne s'impliqueront vraiment que dans les concerts et pour The Division Bell) est même un des plus mauvais albums du groupe. Un des plus dispensables en tout cas, car il n'est pas non plus honteux. Il reste toujours supérieur à The Final Cut à mon goût ou au ridicule Radio K.A.O.S sorti par Waters la même année. Mais cette perte momentanée de raison n'est pas vraiment à la hauteur du mythe et il faudra attendre The Division Bell pour voir un album de Pink Floyd vraiment intéressant. Les années 80 ont été dures pour ce groupe...

 

10/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.   

 

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12 août 2011 5 12 /08 /août /2011 00:43

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Tracks : Testify ; Guerilla Radio ; Calm Like A Bomb ; Mic Check ; Sleep Now In The Fire ; Born Of A Broken Man ; Born as Ghosts ; Maria ; Voice Of The Voiceless ; New Millennium Homes ; Ashes In The Fall ; War Within A Breath

26 Janvier 2000, New-York. Pour la première fois depuis le grand krach de 1929, la bourse de Wall Street ferme ses portes en avance. Pas à cause d'une folie spéculative telle que nous la connaissons ces derniers jours. Du moins pas directement. La cause de cette fermeture est beaucoup plus directe et simple : un concert de rock. Nouveau fait d'armes d'un des groupes les plus engagés et radicaux de l'histoire du rock américain : Rage Against The Machine. Ce jour là, le quatuor épaulé par le réalisateur Michael Moore décide de tourner le clip de Sleep Now In The Fire qui servira de single à leur troisième album The Battle Of Los Angeles. L'ambiance est telle que la bourse fermera en avance et les magasins alentours baisseront leurs rideaux. Aucune transaction n'aura lieu ce jour là. Petite victoire qui n'empêchera pas les traders de réinvestir la place le lendemain. Mais une petite victoire qui prouve que même de simples citoyens peuvent l'espace d'un instant se mettre en travers du monstre boursier. Rage Against The Machine est un groupe qui nous a habitué à ce genre d'actions. Depuis la sortie de leur acclamé premier album éponyme en 1992, le groupe a été de toutes les contestations. Anti-capitaliste, pacifiste, anarchiste... Anti-américain? Probablement un peu de tout ça. Et le groupe a su créer des hymnes de rébellion qui marquèrent les années 90 (Killing In The Name ; Freedom ; Wake Up ; Bulls On Parade). Cependant, 7 ans après leurs débuts, une question se pose lorsque leur 3ème album The Battle Of Los Angeles sort. Leur rage et leur génie créatif sont-ils toujours intacts?

Dès Testify et Guerilla Radio, la réponse semble évidente. Le groupe a toujours de la hargne à revendre et ces deux titres d'introduction en sont la preuve éclatante. Testify semble forgé dans l'acier le plus brulant et attaque directement les guerres dues au pétrole (et dire qu'on est avant la seconde guerre du Golfe) : « Mass graves for the pump and the price is set » en faisant référence à 1984 d'Orwell « Who controls the past now controls the future/Who controls the present now controls the past ». Une des devises de l'Oceania et qui est le cœur du travail du héros du roman. De multiples références pour le meilleur titre d'introduction d'un album de Rage Against The Machine. Guerilla Radio est légèrement inférieure à mon goût, mais maintient la hargne à un niveau impressionnant, mélangeant les lyrics rageurs avec une rythmique de plomb, un riff brulant et des bruitages de guitares impressionnants...

L'appréhension est d'ailleurs grande concernant ce point après le controversé Evil Empire. Car sur le second album, ce sont ces fameux bruitages expérimentaux de guitares qui avaient pris le pas sur les riffs enflammés du premier LP. Sur les deux premiers titres de The Battles Of Los Angeles, on entend finalement assez peu ces bruitages... Mais ils reviennent assez vite à la charge avec Calm Like A Bomb (qu'on retrouve sur la BO de Matric Reloaded) et Mic Check. Pourtant dans le premier l'alliance marche plutôt bien, créant un contraste intéressant entre les couplets assez « calmes » (autant qu'on peut l'être lorsqu'on parle de RATM) et les refrains hurlés par Zach de la Rocha « What ya say? What ya say? What ya say? What? ». Comme une bombe explosant... Par contre Mic Check ne me convainc pas du tout, tant par le chant qui ne me plait pas que par la structure du morceau qui semble être privée de rythmique et d'un riff correct. Le plus mauvais titre de ce début d'album...

Surtout que le titre est suivi de ce qui est probablement un des meilleurs titres de l'album (avec Testify ; Guerilla Radio ou Voice Of The Voiceless) : Sleep Now In The Fire. Un de ces titres qui renouent avec ce qui fait la magie du premier album éponyme. Un riff puissant (et facile à mémoriser), une section rythmique implacable, un rap impitoyable et des paroles qui ne le sont pas moins... Assurément le grand hymne de cet album par sa puissance (qui mêle à la fois les bombardements au Napalm du Vietnam, Hiroshima et la colonisation américaine par les Espagnols). Implacable, nécessaire et jouissif.


La suite est plus atypique, à commencer par Born Of A Broken Man, morceau lent et inquiétant à la dimension quasi spectrale dans les couplets, simplement murmurés de manière inquiétante par Zach. Seuls les refrains « explosent » un peu. Born As Ghosts avec son riff étrange qui tourne en boucle de manière très mécanique rappelle nettement plus l'ambiance d'Evil Empire. Idem pour Maria, que je trouve meilleure. Pas désagréable (encore qu'il faut aimer les bruits de scie sauteuse un peu), mais inférieur au reste.

Une ambiance plus calme et électrique qu'on retrouve aussi sur Voice of The Voiceless, morceau au riff très intéressant (Tom Morello a vraiment un style unique de composition) qui multiplie les références à 1984 ; « And Orwells hell a terror era coming through/But this little brothers watching you too/Watching you too ». Un morceau calme, mais que j'aime beaucoup. Un de mes préférés de la fin de l'album avec Ashes In The Fall. Ce dernier présente en effet un riff très agressif, électronique et un peu strident très original là encore qui crée une ambiance moins percutante que ce à quoi Rage a pu nous habituer par le passé, mais très travaillée et intéressante finalement, notamment grâce à beaucoup d'effets de production.

Ultime conclusion de la carrière discographique de Rage Against The Machine, The Battle Of Los Angeles se présente donc sous forme d'un bilan. Les hymnes percutants comme on les affectionne sur le premier album sont présents (Testify ; Guerilla Radio ; Sleep Now In The Fire) mais se mêlent aux titres plus expérimentaux et produits d'Evil Empire. La première moitié du disque est donc plus percutante que la seconde, qui est plus travaillée mais un peu plus « vide » et remplie de trouvailles sonores intéressantes, mais moins prenantes. Une ambivalence qui fait que The Battle Of Los Angeles est inférieur au premier disque, mais supérieur à Evil Empire. Une conclusion honnête donc à cette trilogie enflammée que nous a servi cette bande qui pendant 7 ans a fusionné le rap, le métal et le funk au service d'un message plus que jamais d'actualité. Si seulement ils pouvaient revenir faire fermer l'espace d'une journée Wall Street ou Standard & Poor's...

14/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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27 juillet 2011 3 27 /07 /juillet /2011 23:35

 

Tracks : Rehab ; You Know I'm No Good ; Me & Mr. Jones ; Just Friends ; Back To Black ; Love Is A Losing Game ; Tears Dry On Their Own ; Wake Up Alone ; Some Unholy War ; He Can Only Hold Her

 

Difficile d'évoquer si tôt une telle disparition, alors même qu'on n'en connait pas encore les causes. Comme tant d'autres étincelles qui ont rallumées un instant la grande flamme de la musique, Amy Winehouse s'est désormais éteinte, samedi dernier à 27 ans. Back To Black. Retour au néant pour celle qui fut une des stars les plus fascinantes des années 2000, tant par sa musique que par ses frasques. Une fascination qui provient quasiment uniquement d'un seul album, une galette de ce noir qui lui a donné son nom : Back To Black. 34Min55 qui indéniablement ont changé la donne. Il n'y a qu'à voir Amy sur la pochette de Frank, son premier album. Lisse, sans tatouages, souriante et candide. L'album, bien que très plaisant, manque d'un souffle, d'une âme. Les chansons sont bonnes, la production efficace, la voix déjà merveilleuse, mais le propos semble encore dilué. Attendant comme... Un coup dur de la vie. Une séparation pour Amy en l'occurrence. Une dépression et une addiction terrible à l'alcool. On a voulu l'envoyer en cure de désintoxication. Sa réponse fut « non ». Sa réponse, celle qu'elle avait jugé bonne sur le moment, a été de s'enfermer en studio. Pour graver 34 min 55 de sa vie, de son âme. Back To Black.

 

Une âme noire comme le désespoir. Peine, addiction, amour éconduit, tout est contenu dans se second album. Le contraste est fulgurant avec Frank. Sur la pochette, Amy apparaît ici seule (contrairement à Frank où elle est accompagnée d'un chien). Seule, tatouée et ployant sous le poids de sentiments qu'on ne fait qu'entrevoir au fil de l'album. Des sentiments qu'Amy nous envoie en plein visage dès le fabuleux et désormais morbide Rehab. « They tried to make me go to rehab, and I Said « No, no, no ». Une claque musicale et sentimentale qui a propulsé l'album en tête des ventes. Une artiste déjà maudite avant même son éclosion. Le titre fera la gloire d'Amy, mais annonce déjà sa fin. Comment peut-on tirer une telle perle d'un sujet aussi glauque? C'est là toute la force de Back To Black, album résolument sans concessions mais qui conjugue sincérité, production magistrale et talent. Les paroles sont véridiques, la voix parfaite et les arrangements de cuivres et de cordes signés Mark Ronson donnent une ambiance sublime à l'ensemble. Un immense classique de pure soul, un genre qu'on croyait pourtant définitivement enterré en l'an 2000 par la Nu-soul ou le R'N'B. Un succès fulgurant. Et ce n'est pas Me & Mr. Jones, au son si Motown et qui rappelle les girls band des années 60 (les harmonies vocales) qui pourra me donner tort. A la fois rétro et moderne. Tout pour créer un morceau qui est à son tour devient un classique.


Et des classiques, Back To Black en contient à la pelle. Tous plus sublimes les uns que les autres. Tous plus sombres les uns que les autres aussi. Car le désespoir suinte de tous les sillons du disque. You Know I'm No Good ne relâche pas la tension après Rehab. Le titre est peut-être légèrement moins percutant (malgré un beat un peu hip-hop), mais toujours aussi sombre. Les cuivres semblent joyeux pourtant, mais le manque de son homme est poignant. Une classe immense pour ce classique que même la vétérante Wanda Jackson a repris cette année sur son disque The Party Ain't Over. Comme un hommage d'une pionnière du rock n roll à une Amy qui semble déjà tout dire sur ce second disque. Comment ne pas penser que tout est dit une fois le titre éponyme achevé? « We only say goodbye with words/I died a hundred times/You go back to her/and I go back, back to us »... Une chanson de désespoir absolu servie par cette mélodie à l'ambiance abyssale. Ces chœurs féminins qu'on entend à l'arrière de cette implacable avancée rythmique et cette descente de cordes ne font qu'apporter une dimension encore plus douloureuse à ce titre, qui est assurément le plus beau de l'album. Le plus poignant. Un chef d'œuvre que même les plus blasés apprécieront.

 

Et si sur certains morceaux, l'ambiance paraît moins désespérée que sur Back To Black, le propos reste pourtant amer et sombre. Love Is A Losing Game est doux... Mais doux et désabusé. Amy semble déjà avoir perdu et toute cette douleur ressort dans sa voix. Douceur désespérée... Une chanson à la fois fragile et forte, une contradiction que peu d'artistes ont maitrisé aussi bien qu'elle à cet instant précis. Est-ce cette maitrise des contrastes qui lui donnent une voix aussi forte lorsqu'elle chante Tears Dry On Their Own accompagnée par quelques « shalala » de ses choristes et qui sample Marvin Gaye (Ain't No Mountain High Enough)? Est-ce cette maitrise qui lui permet d'ainsi enchainer les classiques absolus?

 

Quel courage faut-il pour écrire un titre comme Wake Up Alone? « His face in my dreams sizes my guts/He floods me with dread/Soaked in soul, he swims in my eyes by the bed/Pour myself over him moon splitting in/And I Wake Up Alone ». La solitude crue dans toute sa véracité... Quiconque a déjà connu une rupture connait cette douleur qui colle à la peau pendant des matins interminablement gris. Mais elle est ici transformée en joyau noir par cette artiste de 23 ans.

 

Car Back To Black est un joyau. Un disque qui a marqué les années 2000. 35 minutes où la sincérité et le génie se sont rencontrés. Un disque vrai, sombre... Les paroles font mouche, parlent du vécu de cette jeune londonienne. La production de Ronson et les dons de compositeur d'Amy font le reste. Back To Black. La page va désormais se refermer sur Amy, partie rejoindre le fameux club des 27. Partie rejoindre Janis... Espérons simplement qu'elle y trouve une paix qu'elle ne semblait pas avoir trouvé depuis cette année 2006 où elle a gravé ce disque qui a immortalisé son nom. Même si on aurait préféré qu'elle n'enregistre pas cette fichue Rehab et dise oui à une cure qui peut-être l'aurait sauvée. Et qui lui aurait permis d'écrire encore des centaines de chansons enivrantes comme celles de Back To Black.

 

18/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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17 juillet 2011 7 17 /07 /juillet /2011 20:33

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Tracks : Benediction ; Illuminine ; Circulation ; Blood Never Lies ; Orchad Street ; In Silver Rain With a Paper Key ; Mina Loy ; Space ; January

 

En matière de distorsion et de bruit, difficile de lutter avec le CV d'un homme comme Thurston Moore. Depuis 30 ans, il a mené toutes les expérimentations possibles et imaginables avec son groupe Sonic Youth, mais aussi en solo (Psychic Hearts ; Trees Outside Of The Academy). Cependant, Trees Outside Of The Academy (2007) laissait entrevoir une autre facette de l'homme. Derrière la distorsion et les bruits stridents, derrière les barrières de décibels, Moore commençait à placer des guitares acoustiques, du violon et des accords rappelant nettement plus le folk anglais des années 70 (Fairport Convention, Nick Drake) que la scène indépendante américaine. Et lorsque 4 ans après son deuxième « véritable » album solo (qui ne soit pas une collaboration quelconque en fait), paraît le troisième opus de l'homme à l'éternelle allure d'ado malgré sa cinquantaine, on peut se demander ce qu'il nous réserve. Être le leader d'un groupe aussi expérimental que Sonic Youth permet de pratiquement tout faire, de tout se permettre. Même faire appel à Beck pour produire cet album. Une collaboration étonnante... Mais a-t-elle portée ses fruits sur ce Demolished Thoughts intriguant?

 

Dès Benediction, le ton est donné. Le maitre mot de ces pensées démolies est douceur... Une douceur champêtre et délicate, qui rappelle le folk des années 70, Nick Drake notamment. Les paroles sont mélancoliques et se déroulent le long d'accords acoustiques très folk. Comme un après midi ensoleillé sur une pelouse dans un parc... La beauté de cette guitare acoustique est surtout rehaussée par le sublime violon de Samara Lubelski et la harpe de Mary Lattimore. Lorsque l'on regarde les crédits de l'album, on s'aperçoit d'ailleurs qu'il n'y a pas de guitares électriques ici, ni de batterie. Une basse (Bram Inscore), des percussions extrêmement discrètes (Joey Waronker qui a joué avec Beck, R.E.M., les Smashing Pumpkins ou Atoms For Peace) et Beck lui-même qui fait quelques voix et quelques synthés très discrets accompagnent donc un trio guitare acoustique, harpe et violon tout le long de Demolished Thougths.

 

Des pensées démolies bien loin de la fureur électrique des travaux précédents de Moore donc. Ce qui n'était qu'entrevu dans Trees Outside Of The Academy est ici flagrant : Thurston moore, à l'égal de son modèle Neil Young est capable des déflagrations soniques les plus féroces mais aussi de la douceur enchanteresse la plus pure. Passer d'Everybody Knows This Is Nowhere à After The Goldrush est un art que bien peu maitrisent... Mais Moore lui semble bien décidé à relever le défi avec l'aide de Beck, producteur génial qui donne ce son si unique à la galette. Un son chaud et enivrant, qui nous recouvre et dans lequel chaque détail est magnifiquement niché. Interventions de la harpe, nappes de violons, sifflements (sur Mina Loy), nappes de synthés et écho (sur Space)... Le tout se découvre peu à peu comme des objets cachés dans une herbe un peu trop haute pour tout nous dévoiler au premier regard. Et cette herbe que nous goutons est fortement addictive. Comment résister à la descente de cordes et aux arpèges sublimes d'Illuminine un titre qui s'insinue peu à peu en vous et qui reste en tête pendant des jours? Comment résister au superbe violon qui entame Blood Never Lies et sur laquelle Thurston pose une voix feutrée de toute beauté? L'inquiétante introduction à la harpe d'In Silver Rain With Paper Key qui nous mène vers une incartade ensoleillée? Comment résister au charme vénéneux et exotique de l'inquiétante Mina Loy, poétesse anglaise qui donne ici son nom au meilleur morceau de l'album avec Illuminine?

 

Une beauté conventionnelle qui laisse néanmoins sa place a une fureur bien atypique à l'acoustique, mais qu'on connait bien en version électrique au sein de Sonic Youth. Car Thurston ne peut s'empêcher parfois de lancer ses morceaux dans un déluge de cordes fou qu'on imagine plus facilement amplifié et distordu. Le final de Circulation en est un bel exemple, tout comme le pont et le final de la vénéneuse Orchad Street (qui est une rue de Manhattan), sur laquelle les violons et la harpe deviennent absolument déchainés et déchirants (comme quoi tout est possible). On a dit parfois que le leader de Sonic Youth était incapable de jouer de manière conventionnelle de la guitare acoustique. C'est faux et cet album le prouve. Mais il faut bien reconnaître que comme beaucoup de grands guitaristes, il a un style propre qui se reconnaît très vite, qu'il soit seul à l'acoustique ou derrière un mur d'amplis.

 

« This is a sleeping on the grass » chante Moore sur January. C'est bien l'effet que procure ce Demolished Thoughts magnifique qui est un des meilleurs albums de 2011. Un album surprenant, mais qui redonne tout son sens au mot « beau ». Charmant et charmeur, délicat mais original, surprenant et réconfortant... Autant d'antagonismes que Moore concilie avec brio pour ce troisième album qui prouve une fois encore, si besoin était, qu'il est un grand songwriter, à l'égal de Neil Young. Des pensée démolies dignes des plus grands donc.

17,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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12 juillet 2011 2 12 /07 /juillet /2011 19:51

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Tracks : Gimmie Some Good Times ; Dirt ; Street Hassle (Waltzing Matilda ; Street Hassle ; Slipaway) ; I Wanna Be Black ; Real Good Time Together ; Shooting Star ; Leave Me Alone ; Wait

 

Dans l'imaginaire rock, Lou Reed est le dépositaire d'un style de rock très urbain, crasseux comme le bitume, violent et sombre comme une ruelle sans lumière. Image héritée du Velvet Underground et du magistral The Velvet Underground - White Light / White Heat (1968) ... Mais pas uniquement. Lou Reed, (auto)proclamé poète des camés et des putes a en effet a son actif quelques albums très urbains, même en solo. Le plus célèbre étant probablement le sinistre et grandiloquent Berlin, mais un album comme New-York qui donne vie à la ville fétiche de Lou Reed est aussi un des incontournables de sa discographie. Et chaque période de sa (longue) carrière compte un de ses albums urbains et crasseux qui sentent le béton et la came. Après son départ de RCA, il signe chez Arista. Et c'est lors du deuxième album pour ce label (après le décrié Rock N Roll Heart) qu'il s'attaque à un nouvel album très urbain comme lui seul en a le secret. Le résultat, enregistré entre New-York et Munich paraitra en 1978 sous le titre de Street Hassle. De quoi égaler la magnificence des albums Berlin ou New-York?

Et dès l'ouverture Gimmie Some Good Times, l'ombre du Velvet plane. Difficile en effet de ne pas penser à Sweet Jane, dont ce titre semble être une parfaite recopie. Lou Reed qui s'autoréférence? Ce n'est pas vraiment la première ni la dernière fois... Et c'est bien le défaut de ce titre d'ailleurs qui s'il n'est pas mauvais (loin de là même), rappelle un peu trop sa glorieuse ainée pour vraiment me séduire.

Mais Dirt vient mettre rapidement les choses au clair. Les guitares sont distordues, sombres, lancinantes... Et Lou Reed impérial de méchanceté lâche toute sa verve contre son manager : « Your lack of conscience and your lack of morality/Well, more and more people know all about it». La distorsion et le son écrasé donne un aspect étrangement lancinant aux guitares rappelant un peu le Velvet ou les Stooges. Néanmoins Lou garde aussi certains aspects de sa carrière solo qui ont fait son succès : un piano (assez discret) et quelques chœurs féminins qui viennent conclure la chanson. Le tout est d'ailleurs enregistré en live en Allemagne et c'est à mon goût un des meilleurs titres de l'album, même s'il n'est pas à la hauteur de ce qui suit...

Car indéniablement, si Street Hassle a un sommet, c'est bien évidemment son titre éponyme, véritable cœur de l'album qui s'étale sur 11 minutes. On tient là un des titres les plus ambitieux de la carrière solo de Lou Reed, une œuvre passionnante découpée en 3 parties : Waltzing Matilda ; Street Hassle ; Slipaway. La ville se déploie, sombre et grouillante de vie... Lou Reed parle de la rue, des drogués et des prostituées, comme il sait si bien le faire. Pourtant, rarement le fond musical aura été aussi doux. C'est ni plus ni moins qu'un mini-opéra en 3 actes qui se dévoile à l'écoute. Il n'y a pas d'instruments de rock ici, seulement des cordes. Mais quelles cordes... A vous faire pâlir tous les Bowie et les John Cale de la Terre. Dans ce mini opéra, on voit défiler une femme se payant un jeune homme (Watlzing Mathilda qui dure environ 3 minutes 20), sur des paroles très explicites : « And Then Sha-la-la-la-la, he entered her slowly/And showed where he was coming from ». Un moment d'une grâce absolue, les cordes et la voix de Lou Reed étant d'une douceur à couper le souffle. La suite du morceau (la section Street Hassle qui dure environ 3 minutes 10) se fait plus sombre. Un homme (probablement un dealer) parle avec un autre homme (probablement le prostitué de la première partie) devant le cadavre d'une dame plus âgée qui vient de mourir. Watlzing Mathilda s'est donc conclu par un décès... La musique se fait un peu plus agressive (la basse fait son entrée de manière merveilleuse) et la voix de Lou Reed se fait extrêmement dédaigneuse. Le texte est d'ailleurs d'une morgue absolument géniale « But you know people get all emotionnal/and sometimes, man, they don't act rationnal you know/They think they're just on TV ».  La troisième partie (Slipaway qui dure environ 4 minutes) se fait plus douce amère avec un Lou Reed déclamant un poème moins centré sur l'histoire et qui musicalement est accompagné d'instruments un peu plus rock comme une batterie et peut-être même une discrète guitare. Cette partie est aussi très célèbre pour voir apparaître la voix grave de Bruce Springsteen qui lit quelques vers la fin du morceau (vers 9 minutes 03 jusqu'à 9 minutes 40 environ) et fait même à un allusion à Born To Run « You know tramps like us, we were born to pay ». Une participation non créditée (à l'époque Springsteen a des problèmes juridiques qui l'empêchent d'enregistrer), mais sympathique à signaler. Ça ne fait que renforcer la magnificence de ce long morceau en 3 parties...

Quel dommage qu'après une telle splendeur, la face B reparte avec un boogie assez lourdaud et insignifiant comme I Wanna Be Black. Un titre qui ne groove pas vraiment, dont les paroles sont crétines (je suppose que c'est du second degré) et dont les chœurs féminins sont vraiment assez foirés. Là encore un titre capté en live, mais vraiment inférieur à Dirt par exemple. C'est même un des plus mauvais morceaux de l'album et pas uniquement parce qu'il suit le titre éponyme

Je préfère légèrement Real Good Time Together, un titre nettement plus expérimental, avec un son de guitare très sale et tout en écho. Par contre malheureusement, les paroles et le chant de Lou Reed sont vraiment ridicules... Sa voix tremble et ses « na-na-na » stupides venant d'un aussi bon parolier laissent perplexes. C'est dommage car musicalement, ce morceau un peu sale est intéressant, surtout vers la fin, lorsque la batterie entre en action.

Shooting Star tout comme Leave Me Alone valent par contre nettement plus le détour, notamment grâce à un saxo distordu qui rappellerait presque les Sonics ou les Stooges en accompagnant un vrombissement de guitares impressionnant... Leave Me Alone est mon préféré des deux, notamment grâce aux soli de guitares vraiment très crades qui se mélangent avec le saxo et la voix enragée et assez détruite d'un Lou Reed qui n'en finit plus là encore de cracher sa colère et son mépris. Un titre qui n'est pas rappeler la fureur de Sister Ray par exemple... Le meilleur titre d'une face B assez terne malheureusement. Même la plus conventionnelle et pop Wait, même si elle est plutôt jolie et sympa se révèle moins prenante que Dirt, Street Hassle ou Leave Me Alone pour moi.

Street Hassle est en effet un album particulièrement inégal. Il contient deux très bons titres (Dirt et Leave Me Alone) et un titre qui est un des meilleurs de Lou Reed (Street Hassle) et qui occupe un quart de l'album. Mais le reste de l'album, malgré un son de guitare intéressant qui lui donne une certaine âme, oscille entre le moyen et le très dispensable. Street Hassle n'est donc pas un incontournable de la discographie de Lou Reed (pas comme Transformer, Berlin ou New York). Mais pour un amateur de l'ex-Velvet Underground, il y a néanmoins de très belles choses à trouver ici... De magnifiques pépites noires comme c'est si bien les faire Lewis Alan Reed.

13/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.    

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10 juillet 2011 7 10 /07 /juillet /2011 19:18

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Tracks : New Song ; Had Enough ; 905 ; Sister Disco ; Music Must Change ; Trick Of The Light ; Guitar And Pen ; Love Is Coming Down ; Who Are You

 

Pour beaucoup des grands groupes rock des sixties, la fin des années 70 est une période noire. La fin d'une époque... Led Zeppelin enregistre son plus mauvais album ( Led Zeppelin - In Through The Out Door (1979) ), les Rolling Stones menacent de se séparer après les ennuis judiciaires de Keith Richards à Toronto, Black Sabbath vire Ozzy Osbourne... Une page se tourne et pas uniquement à cause de la vague punk de 1977. Car si les punks détestaient Led Zeppelin ou Pink Floyd, ils estimaient certains des groupes des années 60. Bowie notamment et les Who. Certains groupes comme les Sex Pistols ou les Jam reconnaissent en Pete Townshend un des leurs. Malgré ça, les Who sont usés, éreintés par des tournées gigantesques dans lesquelles le mot démesure a été réinventé tous les soirs. Pete Townshend est alcoolique. John Entwistle aussi. Mais le plus préoccupant reste le batteur Keith Moon littéralement miné par la boisson et les drogues. Il lutte contre son alcoolisme par des médicaments qui lui font prendre du poids et n'est plus que l'ombre de lui-même. Ne reste plus que Roger Daltrey, toujours aussi impeccable vocalement et les talents d'écriture de Townshend, qui même noyés dans l'alcool sont toujours présents. C'est ainsi que les Who entrent en studio en 77 pour donner un successeur à l'assez mitigé The Who By Numbers. De quoi revenir au fastueux albums qu'enregistraient les Who encore 5 ans auparavant?

 

Pourtant lorsque la face A de Who Are You se lance, on prend très vite peur. Car autant le dire tout de suite, nous avons affaire à ce qui doit être la plus mauvaise face d'un disque des Who avec Keith Moon. En tout cas pour moi. Les Who qui avaient été des précurseurs dans l'usage du synthé dans le rock (Who's Next) utilisent cet instrument absolument partout... Mais en 7 ans la donne a changée. Et si le synthé fait tout le punch de Baba O'Riley, il donne un aspect totalement ridicule à New Song ou Had Enough (qui comporte aussi le premier arrangement de cordes de l'histoire du groupe). Les Who sont dépassés... Et pire encore les sonorités synthétiques kitch enlèvent le punch des titres des Who. La basse d'Entwistle, un des meilleurs bassistes du rock, ne produit pas l'effet qu'elle provoquait sur d'autres chansons des Who. C'est fade, embrouillé, la sauce ne prend pas. La plus grosse déception vient de Keith Moon, déjà à moitié parti lors de l'enregistrement du disque. Celui qui participait à l'énergie destructrice des Who par son style fou inimitable n'est plus que l'ombre de lui-même. Plus aucune surprise... Il est à tel point affaibli qu'il n'arrive pas à jouer la ligne de batterie de Music Must Change en 7/8. Townshend se résoudra à enregistrer des bruits de pas pour combler ce vide. C'est dommage d'ailleurs car c'est probablement la meilleure chanson de cette piètre face A, par son ambiance épurée, rock et assez simple. Tout le contraire de l'atroce Sister Disco qui est probablement une des pires chansons des Who toutes époques confondues...

 

La face B est un peu meilleure, néanmoins. Ceci dit après une telle face A difficile de faire pire... Cependant Trick Of The Light qui démarre cette seconde face et qui est signée Entwistle est une bonne chanson, rock et énergique comme les Who sav(ai)ent si bien les faire. Guitar And Pen, chanson qui parle de l'écriture musicale est intéressante aussi. Elle a un son étrange (Townshend essayait de faire sonner sa guitare comme un synthé à l'époque), propose pas mal de sonorités synthétiques mais finalement elle marche à moitié. La structure est un peu tordue, les sons pas toujours très heureux, mais les Who tentent quelque chose qui se révèlent intéressant ici, à défaut d'être passionnant. On passera rapidement sur Love Is Coming Down, un morceau de pop synthétique mièvre comme il va en abonder dans la décennie suivante... Car si Who Are You a bien un seul et réel intérêt, c'est pour sa chanson finale, le très célèbre morceau qui donne son nom à l'album. C'est peut-être une des plus grandes chansons des Who, un classique (encore plus depuis son utilisation comme générique des Experts : Las Vegas) comme le groupe en compte des dizaines (Baba O'Riley, Won't Get Fooled Again, My Generation, I Can't Explain, Pinball Wizard et bien d'autres encore...). Un titre qui malgré quelques délires électroniques (ou grâce à ça) garde une patate et un style d'écriture prenant et reconnaissable. Les lignes de guitares sont exceptionnelles, la rythmique impeccable et le chant de Daltrey façon camionneur trône impérialement sur l'ensemble. Une petite pépite, le dernier classique des Who. Un peu leur Let It Be (la chanson) à eux...

Car comme Let It Be pour les Beatles, il n'y a bien que la chanson titre qui vaut le détour dans cet album. Sans ce morceau et sans la mort tragique du batteur quelques mois plus tard, il est fort probable qu'on aurait oublié cet album, qui le plus mauvais des Who avec The Who - It's Hard (1982) . Sur la pochette, Keith Moon est assis sur une chaise où il est écrit « Ne pas emporter ». Sinistre présage lorsqu'on sait qu'une overdose de ses médicaments contre l'alcoolémie allait l'emporter quelques temps plus tard et qu'un des plus grands groupes anglais des années 60 allait être emporté avec lui...

 

07/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.  

 

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5 juillet 2011 2 05 /07 /juillet /2011 19:20

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Tracks : In The Flesh ? ; The Thin Ice ; Another Brick In The Wall Part 1 ; The Happiest Days Of Our Lives ; Another Brick In The Wall Part 2 ; Mother ; Goodbye Blue Sky ; Empty Spaces ; Young Lust ; One Of My Turns ; Don't Leave Me Now ; Another Brick In The Wall Part 3 ; Goodbye Cruel World ; Hey You ; Is There Anybody Out There? ; Nobody Home ; Vera ; Brings The Boys Back Home ; Comfortably Numb ; The Show Must Go On ; In The Flesh ; Run Like Hell ; Waiting For The Worms ; Stop ; The Trial ; Outside The Wall

 

Initialement, lorsque Roger Waters propose le concept de The Wall aux autres membres de Pink Floyd, le projet devait se découper en 3 volets : un album ( Pink Floyd - The Wall (1979) ), un film (qui sortit en 1982) et un gigantesque show scénique, plus grandiloquent encore que tout ce que Pink Floyd avait déjà fait. Ce qui en soit n'était pas un mince exploit, vu les lights shows qui ont fait la réputation scénique du groupe dès ses débuts. Les deux premiers versants de ce pharaonique projet furent une réussite : le disque est le double album le plus vendu de tous les temps (et une des plus grosses ventes de disques en général), et le film connut un succès public et critique à la hauteur de sa mégalomanie. Mais les shows ne connurent pas le même destin. Si Pink Floyd jouât The Wall en entier selon la volonté de Waters sur quelques scènes internationales, l'effort logistique et le manque de moyens technologiques eurent vite raison de cette série de concerts (qui fut néanmoins immortalisée par un album live). Quelques années plus tard, le Floyd dans sa formation classique éclate. The Wall reste entre les mains de Waters, qui le ressuscite en 1990 pour un concert événement à Berlin pour fêter l'anniversaire de la chute du Mur. Mais le plus démesuré des albums du Floyd devait longtemps hanter son créateur... A tel point que ce dernier, désespérant de ne pouvoir réunir à nouveau le groupe (Gilmour y serait farouchement opposé), se décide à jouer une dernière fois The Wall en public. 30 ans après sa parution, ce mur hante toujours Roger Waters et semble toujours autant d'actualité... Les évolutions technologiques (l'informatique au premier rang) offre peut-être enfin la possibilité d'apporter la touche finale à un projet vieux de 30 ans. La tournée fut triomphale en Amérique du Nord en 2010 et finit par arriver en Europe en 2011. 4 concerts parisiens étaient prévus, et votre serviteur, accompagné notamment de Jid et Nizouille (tous deux chroniqueurs ici à leurs heures perdues) était présent en ce 1er juillet à Bercy, pour célébrer comme il se doit l'édification d'un mur un peu particulier au milieu de Paris...

 

Pour être tout à fait honnête, The Wall est loin d'être un de mes albums favoris du Floyd. Même si je reconnais que c'est un album indispensable dans la discographie du groupe (et dans l'histoire du rock en général), je le trouve parfois un peu pompeux et ennuyeux et il signe pour moi le début de la fin du groupe. Néanmoins je trouve le film nettement meilleur, notamment parce qu'il aide à suivre l'histoire, chansons par chansons, ce qui rend l'album beaucoup plus cohérent. Et comment refuser de voir un album de Pink Floyd joué en entier par son créateur? L'impression de voir Pink Floyd sur scène... Un rêve éveillé pour quelqu'un de ma génération qui n'était même pas à l'état de projet lorsque The Wall est sorti. C'est donc fébrile que j'attends vers 20h le début du spectacle ce 1er juillet. Fébrile de ma rencontre avec un mythe comme Waters... Fébrile aussi de ma plongée dans le monde paranoïaque de The Wall comme l'annonce le mur géant à moitié dressé devant moi sur scène.

 

Clameur du public lorsque les lumières s'éteignent... C'est pourtant les miliciens fascistes qu'on retrouvera plus tard dans le concert qui nous présentent la marionnette décharnée de Pink, alter égo de Waters. Une présentation calme, comme une élégie funèbre. Le calme avant la tempête, avant que n'éclate la terrifiante In The Flesh? chanson surpuissante de démesure qui débute le show. L'imagerie fasciste qu'on retrouvera tout au long du concert nous happe tout de suite. Drapeaux frappés des deux marteaux croisés, miliciens habillés tout de noir, explosions, feux d'artifices, déluge de lumières... Et l'entrée de Waters qui se revêt finalement de cet uniforme qu'il retrouvera plus tard dans le show. Une entrée en matière absolument gigantesque et démesurée. Le genre d'extase sensorielle qu'on vit rarement. Et lorsque finalement une maquette d'avion se crashe dans un déluge pyrotechnique dans un pan du mur géant, on se dit qu'on va assister à un show d'une puissance probablement inégalée...

 

Mais toute la puissance du show n'est pas uniquement contenue dans les effets visuels magistraux. Car dès The Thin Ice, Waters impose une puissance émotionnelle incroyable à son spectacle. Sur l'écran commencent à défiler des photos d'hommes et de femmes morts au cours de guerres ou d'événements dramatiques. Eric Fletcher Waters, son père qu'il n'a jamais connu et qui est mort en 1944 en Italie est le premier d'une longue liste de visages qui défilent sous nos yeux... Deux guerres mondiales, révoltes Iraniennes (notamment celle de 2009), 11 septembre, Vietnam, Irak, attentats de Londres en 2005, Afghanistan... Autant de vies qui passent devant nos yeux. Autant de drames. Autant de briques dans le mur qui se monte devant nous, implacable. Ses visages seront aussi projetés sur le mur pendant l'entracte (située entre les deux disques initiaux soit entre Goodbye Cruel World et Hey You), et justifient à eux seuls le sublime Bring The Boys Back Home lyrique et émouvant au possible qui intervient vers la moitié de la deuxième partie du show. Tant de visages... Que les gars rentrent au pays, ce qui en ces temps de retrait des troupes en Irak et en Afghanistan prend une teneur particulière, bizarrement amère mais puissante. Amèrement sublime...

 

Une à une, les briques du mur sont apportées par une équipe de techniciens qui bâtit le mur en temps réel sous nos yeux durant l'équivalent du disque 1. C'est sur ce mur qui grandit que les images défilent, à la fois folles et revendicatrices... The Wall est une œuvre politique et si j'avais peur qu'elle soit restée coincée dans les années 80, Waters prouve une nouvelle fois qu'elle est plus que jamais d'actualité. Pour être honnête je m'attendais à ce que les images projetées sur le mur proviennent quasiment toutes du film de 1982. Mais finalement, si le film imprègne tout le show, beaucoup des images et des allusions sont très actuelles. La référence évidente à 1984 sur Mother (Big Mother Is Watching You avec une caméra qui tourne sur l'écran), les images très actuelles sur Bring The Boys Back Home, les références à Apple (Ibelieve, Ikill), Mercedes ou Shell (qui noient le monde dans Goodbye Blue Sky)... C'est un show vivant et aussi terrifiant qu'il y a 30 ans dans lequel nous pénétrons. Les briques de ce terrifiant mur ne manquent pas...

Évidemment, il y a aussi les hits. Superbes The Happiest Days Of Our Lives et Another Brick In The Wall Part II qui fait intervenir une chorale d'enfants et la marionnette géante du si terrifiant professeur... Quasiment 10 minutes de transe au son de ce hit intemporel et indémodable. Évidemment, il y aussi la terrifiante Mother, que Waters joue en playback (il l'avoue très franchement et directement durant le show, et indique que son chant vient d'un concert de Pink Floyd à Earls Court en 1980) sur laquelle intervient une marionnette géante de cette mère sur-protectrice qui nous enferme à la manière d'un Big Brother dans un monde paranoïaque... Évidemment on retrouve la magnifique Goodbye Blue Sky, pessimiste sur notre avenir, ou la glaciale Hey You qui ouvre la deuxième partie du concert. Et bien sur, il y a Comfortably Numb, surement LE moment du concert que beaucoup attendent. C'est sur ce morceau que Gilmour est apparu il y a quelques semaines pour jouer le solo de guitare à Londres. Ce soir point de Gilmour à l'horizon, mais la langueur suicidaire du titre est absolument sublime... Et le guitariste qui assure le solo est absolument excellent, jouant à la perfection toutes les parties de guitares de l'album, et nous gratifiant de magnifiques soli sur Comfortably Numb (tout comme sur Another Brick In The Wall Part II et Mother). Le chanteur qui assure aussi toutes les parties de chant de Gilmour durant le show a une voix qui ressemble assez incroyablement à l'ex-Floyd et chante aussi excellemment bien. Avec son jeu de lumière absolument sublime contre le mur, Comfortably Numb est un des nombreux points forts de ce show totalement grandiose.

 

C'est aussi à partir de Comfortably Numb que le show arrive à son apothéose : le délire mégalo maniaque de Pink qui se prend pour un dictateur fasciste. Quiconque a vu le film comprendra. Si scénaristiquement ce passage de l'album me laisse toujours un peu dubitatif, c'est clairement un moment extrêmement jouissif en concert. Hurler avec une foule en délire qui salue Waters en croisant les bras (comme deux marteaux qui se croisent, on retrouve ce salut dans le film) tandis que le fameux cochon volant d'Animals survole la foule et que résonnent In The Flesh et Run Like Hell a quelque chose d'incroyablement galvanisant... Une transe commune au delà des mots. Une expérience musicale incroyablement forte comme rarement on en croise en concert. Et lorsque The Trial commence (en utilisant par contre que des images du film ou presque), la transe est à son paroxysme. La fin est proche. Il faut détruire le mur. La foule scande "Tear Down The Wall" en délire... Et finalement, il s'effondre sous nos yeux. Pink s'éveille... Tous les traumatismes sexuels, guerriers et affectifs restent gravés en lui et en nous, mais le show se finit par une note d'espoir : Outside The Wall joué par toute la troupe de musiciens en acoustique devant le mur. Chaque musicien est présenté par Waters et acclamé, et c'est finalement une ovation qui attend le créateur de ce mur si grandiose. Roger qui lâche d'ailleurs des sourires à n'en plus finir et que je soupçonne d'écraser une larme en quittant la scène.

 

Et à vrai dire, c'est plutôt à nous de verser une larme et de le remercier pour ce concert absolument grandiose qui est probablement le plus grand et le plus incroyable show que j'ai jamais vu de ma vie. Une expérience sensorielle unique... Une brique de plus dans la légende de Pink Floyd.

 

Moi-même.

 

PS : Pour ceux qui n'ont pas eu la chance de voir cette série de concerts, il est probable qu'un dvd sera fait (en tout cas la rumeur court, notamment sur le show de Londres où Gilmour et Mason sont apparus), et il est en tout cas possible de voir le show de Chicago 2010 en qualité dvd ici : link. Sinon il existe un bootleg audio du 30 mai à Paris qui est trouvable dans la rubrique téléchargement directs de l'excellent site Seedfloyd : link

 

PS2: Il y a eu quelques petites chansons supplémentaires durant le show aussi qui ont été intégrées aux chansons de l'album. Je n'ai mis que le tracklisting de l'album au dessus.

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30 juin 2011 4 30 /06 /juin /2011 00:11

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Tracks : Me, White Noise ; Ambulance ; Out Of Time ; Crazy Beat ; Good Song ; On The Way To The Club ; Brothers and Sisters ; Caravan ; We've Got A File On You ; Moroccan Peoples Revolutionary Bowls Club ; Sweet Song ; Jets ; Gene By Gene ; Battery In Your Leg

 

En 2003, la messe Britpop semble déjà avoir été dite. 1994 et 1995 ont été l'apogée du mouvement (Parklife, (What's The Story) Morning Glory ?, Different Class) et les années symboles des nineties anglaises. Même si la plupart des groupes de Britpop continuent leur carrière dans les années 2000, l'effervescence qu'il y avait autour du mouvement quelques années plus tôt est belle et bien révolue. Oasis ne parviendra jamais à recréer le phénomène de ces deux premiers albums et Pulp se sépare officieusement en 2001. Et Blur? Le groupe londonien emmené par Damon Albarn et Graham Coxon frôle lui aussi la séparation. L'alcoolisme du second et sa mésentente croissante avec le premier (qui a déjà fondé Gorillaz deux ans plus tôt) de plus en plus volatile conduisent à l'éviction du guitariste à lunettes. Stupeur chez les fans. Car tout comme Oasis ne peut exister sans les deux frangins Gallagher (ou sinon ça donne ça : Beady Eye - Different Gear, Still Speeding (2011)), tout comme les Stones ne sont rien sans le duo Richards/Jagger, beaucoup de fans se disaient que Blur ne pouvait pas marcher sans Coxon. C'est donc dans ce climat étrange que sort finalement Think Tank, septième album du groupe. Un groupe qui malgré le départ de Graham semble s'ouvrir à de nouveaux horizons, tentant de poursuivre la voie expérimentale ouverte par l'album précédent 13. Un pari réussi?

 

Pour Blur, la Britpop pure et dure est déjà enterrée depuis un petit moment lorsque sort Think Tank. Depuis 1997 et l'album éponyme, le groupe londonien semble lorgner vers d'autres territoires musicaux. Les incursions de Damon Albarn dans le hip-hop, le dub (101 Reykjavik) et la musique africaine (Mali Music) ne pouvaient pas ne pas trouver d'échos sur Think Tank. Un cercle de pensée qui s'ouvre vers l'extérieur, et vers le Maroc notamment où l'album a été en partie enregistré, dès le premier titre Ambulance. Percussion marocaines, saxophones, chœurs éthérés... Le groupe lorgnerait-il du coté de l'Afrobeat et de la musique maghrébine? Possible, tant Ambulance déboussole et nous perd magnifiquement au bord du Sahara, avec comme seul point de repère la voix désabusée d'Albarn. De quoi nous mener à la magnifique oasis de douceur d'Out Of Time, qui servit de single à l'album. Des percussions marocaines, de l'écho et quelques cordes africaines amènent une somptuosité acoustique que la production met admirablement en valeur. On tient dès le deuxième titre un des joyaux de l'album, exhumé du sable par l'orfèvre Albarn et sa bande. Un nouveau classique pour Blur donc.

 

Une ambiance posée et évocatrice complètement brisée par la quasi punk Crazy Beat, qui par son approche me rappelle un peu le morceau Punk sur le premier album de Gorillaz. Énergique et un peu crétinisant (les refrains à bases de yeah yeah yeah), ce titre n'est pas mauvais, mais casse totalement l'ambiance, surtout que Good Song semble reprendre les choses là où Out Of Time les avait laissées. La suite lorgne plus du coté de Massive Attack, chose assez peu étonnante lorsqu'on sait qu'Albarn est ami avec 3D, le leader du groupe de Bristol et qu'il apparaît la même année dans les chœurs sur Massive Attack - 100th Window (2003). Les nappes de synthés d'On The Way To The Club et Brothers And Sisters par leur froideur et leur caractère planant me rappellent en effet les efforts de Massive Attack, avec une veine pop nettement plus évidente néanmoins. Je suis probablement moins pris ici dans l'ambiance que je ne peux l'être pas certains albums de Massive Attack, mais il faut bien admettre que les titres sont agréables...

 

De quoi nous mener à la douceur mélancolique et sublime de Caravan. On tient là avec Out Of Time et Jets un des morceaux que je préfère de l'album, tant il est doux, magnifiquement produit, et que le choix des instruments est éclectique tout en restant pertinent. Et quel chant pour accompagner le tout...

 

Nouvelle transition punk très brève (1min02) avec We've Got A File On You. Elle casse tout autant l'ambiance que Crazy Beat d'ailleurs (même plus d'ailleurs). Heureusement pour moi que Damon a perdu l'habitude de ce genre de morceaux par la suite... Surtout que la suite lorgne à nouveau vers un éclectisme qui rappelle parfois les Clash (la ligne de basse et l'intro de Moroccan Peoples Revolutionary Bowls Club), ou des délires proches du jazz. Oui du jazz... Le saxophone fou qui déboule dans Jets rappelle le free-jazz et participe à l'ambiance déjantée de ce qui est probablement le plus beau morceau de l'album. Une basse entêtante, un petit riff de guitare... Minimal, mais génial. Le plus grand morceau de l'album à mon goût, et un des meilleurs de Blur. Une nouvelle preuve du génie d'Albarn en somme.

 

Malheureusement, après un tel chef d'œuvre, la très expérimentale Gene By Gene (aux sons de vélos déglingués dans le final) et la douce Battery In Your Leg, seule chanson où on retrouve Graham Coxon font un peu pale figure. Non pas que Battery In Your Leg soit mauvaise en soit, mais elle marque moins que Jets. A noter aussi qu'il existe une piste cachée au début de l'album, en piste 0 (faire retour arrière avant la première piste) Me, White Noise, que je trouve particulièrement dispensable. Un morceau caché à juste titre.

 

Expérimental et ouvert à tous les vents, sont les mots qui qualifient plutôt bien ce cercle de pensée à mon goût. Car avec le précédent 13, c'est l'album le plus expérimental de Blur. Le trio, qui se trouve désormais avec uniquement Albarn à sa tête s'essaye à tout. Électronique, world music, pop, rock... Toutes les influences du leader du groupe sont compilées ici pour créer un melting pot fascinant. Bien sur comme tous melting pots, il y a des moments plus faibles que d'autres selon les gouts. Crazy Beat, We've Got A File On You ou Battery On Your Leg ou Me, White Noise sont plus ou moins dispensables pour moi par exemple. Mais il y a aussi des moments merveilleux (Out Of Time ; Caravan et Jets principalement, même s'il y en a d'autres), qui font de ce Think Tank un des albums les plus intéressants de Blur. Peut-être même leur meilleur selon l'humeur (même si Parklife reste un sommet dans un genre totalement différent). Voilà donc un cercle de réflexion ouvert à tous les vents qui a accouché d'un résultat très plaisant...

15,5/20
(NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)

 
Moi-même.  

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22 juin 2011 3 22 /06 /juin /2011 09:36

 

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En cette soirée de solstice d'été, Nizouille et moi avions rendez-vous au jardin botanique de Reykjavik. La nuit la plus courte de l'année équivaut ici à un soleil encore flamboyant vers minuit. Cela fait déjà plusieurs semaines que la nuit n'est d'ailleurs pas tombée sur l'Islande. Mais après tout ce n'est pas une raison pour ne pas célébrer comme il se doit ce tournant de l'année. Aller assister à un concert dans le café du jardin botanique (Café Flóra) semble donc une idée réjouissante, d'autant plus que c'est la chanteuse de folk Ólöf Arnalds qui y joue ce soir. Drôle d'idée que donner un concert dans un jardin botanique... Mais idée plutôt séduisante en fait, vu la musique de cette chanteuse islandaise qui lorsqu'elle ne joue pas avec Múm compose un folk acoustique très féérique. Une ambiance maison et coin du feu qui imprègne son album Innudir Skinni et qu'on espére retrouver ce soir au milieu des fontaines et des plantes de ce café. De quoi célébrer joliment ce jour le plus long de l'année?

 

De tous les lieux de concert dans lesquels je suis allé, je dois bien reconnaître que ce café est pour le moment le plus atypique. Une serre réaménagée avec une fontaine et un grand bassin central, des plantes courant un peu partout et quelques tables et chaises donnant l'impression d'être dans un jardin... Lorsqu'un chat se ballade entre les tables, on se dit qu'on est quasiment à la maison. Une impression qui restera tout le long du concert pour d'autres raisons d'ailleurs. Mais ce lieu charmant a fait son effet et son calme, sa beauté et le bruit des fontaines ont posés une jolie ambiance pour ce concert.

 

Ce qui laissait présager du meilleur. Néanmoins, l'entrée en scène d'Ólöf a été ratée. Entamant par une chanson visiblement dédiée à quelqu'un dans la salle (anniversaire?), elle a poursuivie avec un morceau dont elle ne retrouvait plus les paroles. Elle a dû arrêter la chanson à plusieurs reprises en blaguant avec le public et l'a finalement abandonnée... Malgré sa grande décontraction et l'indulgence évidente du public islandais (qui riait de bon cœur à ses blagues et semblait apprécier tout de même), le début du concert est donc particulièrement laborieux. Les choses décollent vraiment lorsqu'elle attaque le titre Innundir Skinni, qui crée une très belle ambiance, digne de l'album du même nom... Et le fait qu'elle enchaine les deux chansons suivantes (Allt I Guddi et Vinkonur si je ne m'abuse) sans parler au public aide à maintenir cette ambiance féérique qui semble même charmer les poissons. Assurément le meilleur moment de la soirée, celui où le concert reste cadré avec ce qu'il faut de concentration de la part d'Ólöf pour nous faire voyager. Moment charmant évidemment coupé par une entracte, chose dont raffolent visiblement les islandais.

 

Lorsqu'elle reprend, les choses en reviennent vite là où on les avait laissées et la seconde partie s'annonce aussi charmante que l'était la fin de la première. Mais malheureusement Ólöf parle beaucoup... Vraiment beaucoup. On se demande parfois si on a affaire à une chanteuse ou à une humoriste. Ce n'est même pas à cause de l'Islandais. C'est juste qu'à la longue, elle finirait presque par plus parler qu'elle ne joue. Rien de tel pour casser l'ambiance. Je suppose qu'ici c'est le français qui parle. Non pas que je sois particulièrement fier d'être français (en fait si, pour la bouffe, le vin et Baudelaire), mais je suppose que j'ai vu ce concert avec les yeux d'un français. Là où j'attends d'un concert qu'il soit un minimum une performance, les islandais ne voyaient visiblement qu'un petit concert sympathique entre amis, sans pression, sans enjeux. Rien d'autre qu'un prétexte à se réunir dans un jardin botanique à boire du vin et à écouter une amie jouer de la musique... Ce n'était peut-être que ça après tout. Mais pour moi (tout comme pour un autre français que je ne connaissais pas mais qui était assis juste à l'opposé de moi et qui avait l'air aussi dubitatif que moi), ça n'était pas que ça. J'attends d'un concert une ambiance, de la concentration et qu'au moins la chanteuse connaisse les paroles de ses chansons. Et qu'elle évite de parler tout le temps, notamment quand elle oublie ses paroles. Car la dernière chanson de la deuxième partie a aussi été arrêtée car Ólöf ne retrouvait plus les paroles. Deux chansons dans un même concert (assez court qui plus est) qui subissent ce traitement, ça laisse dubitatif. C'est dommage d'ailleurs, car les quelques chansons en anglais qui émaillaient la deuxième partie du concert étaient plutôt plaisantes, notamment le premier morceau a cappella qu'elle a chanté.

 

Après, il faut par contre dire que la dame chante particulièrement bien. Sa voix est absolument superbe et son chant a été impeccable de bout en bout. Et certaines de ses chansons sont de véritables délices comme Innundir Skinni, Vinkonur ou la très jolie et efficace Vinnur Minn aux « la la la » entêtants qu'elle a joué en rappel. Finalement, le reproche que je ferais à ce set, c'est peut-être sa trop grande décontraction. Je m'étais déjà fait la remarque lorsque j'avais vu Amiina il y a quelques mois. Peut-être est-ce parce que les islandais sont chez eux à Reykjavik? C'est possible. En tout cas, même si ça aurait pu être nettement mieux, c'était une agréable façon de passer cette soirée de solstice. Et c'est surtout une bonne occasion pour aller découvrir ou réécouter son deuxième album Innundir Skinni, bien au dessus de cette prestation live légèrement décevante à mon goût.

 

Moi-même.

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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 15:01

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/8/8d/Sigurros%28%29.jpg

 

Tracks : Untitled #1 “Vaka” ; Untitled #2 “Fyrsta” ; Untitled #3 “Samskeyti” ; Untitled #4 “Njósnavélin“ ; Untitled #5 “Álafoss“ ; Untitled #6 “E-Bow” ; Untitled #7 “Dauðalagið” ; Untitled #8 “Popplagið”

Un murmure dans la pénombre... Un craquement au loin. La glace se brise et se fend. Le silence devient l'espace de quelques secondes un chaos sans nom. Les icebergs dérivent ici au Jökulsarlon, dans le sud est de l'Islande. Chutant du Vatnajökull dans ce lac glaciaire, les blocs de glace dérivent, s'échouent et se disloquent. Formant parfois comme des parenthèses issues de l'eau, portes d'un monde glacial et ténébreux. Seuls quelques phoques et quelques oiseaux vivent ici, au pied du plus grand glacier d'Europe. Car les seuls réels maitres des lieux une fois passées ces portes de glace sont le silence et le froid. Est-ce cette porte que Sigur Rós nous invite à passer avec ce troisième album sans nom? Est-ce vers ce voyage que le groupe nous convie à travers ces parenthèses qui sont la seule inscription disponible sur l'album? Une tête de phoque émerge du Jökulsarlon. Il nous regarde, et nous invite à le suivre au fond des eaux, au milieu des icebergs. Retenez votre respiration. Le voyage sera glacial.

Quelques notes de piano dans le vent nous accueillent. Le lac est immense... D'emblée l'écho domine. Les quelques notes de piano se perdent dans l'immensité. Après tout l'album a été enregistré dans la piscine désaffectée d'Álafoss (devenue depuis studio d'enregistrement de pleins de groupes islandais), et le son donne l'impression de jouer avec l'eau glacée. Lorsque les cordes d'Amiina se mettent à résonner, les amarres sont larguées. Nous plongeons dans le lac peu à peu. Le chant nous parvient déformé, surréel, incompréhensible. Tout l'album sera chanté en Vonlenska, langage inventé par le chanteur Jónsi sur l'album précédent (la chanson Olsen Olsen). La plongée n'en est que plus enivrante...

Une plongée sublime, marquée par l'air qui se dégage des compositions. Car loin de se faire suffocantes, les quatre premières chansons apportent un souffle épique à l'album. Pourtant elles sont minimales. Quelques notes de piano pour Vaka, quelques arpèges de guitare pour Fyrsta... Et pourtant le soin apporté au son, à l'écho et à la réverbération leur donne une ampleur à la fois intime et immense. Comme si ce guide qui nous guidait à travers la glace nous invitait à la fois à contempler notre propre reflet dans un iceberg et à contempler le calme qui règne autour de nous. Une simple piste de piano quasi instrumentale comme Samskeyti nous emmène dans ce froid prenant, mais qui reste accueillant. Car même si l'ambiance est froide, il y a de la vie autour de ce lac. C'est la vie qui domine la première moitié de (). Une vie qui gagne en dépit de tout, du froid, de la nuit et de l'austérité...

36 secondes. Le silence règne pendant 36 secondes à la fin d'Untitled #4 “Njósnavélin“. Et lorsqu'on émerge du lac après ces secondes de silence, tout a changé. Est-ce le temps qu'il a fallu pour que Grímsvötn se réveille? L'air est lourd, sombre. La nuit est enfin tombée. Mais ce n'est pas une nuit ordinaire. Nuit de cendre. L'air devient lourd, oppressant. La légèreté des 4 premiers morceaux est loin lorsqu'on se retrouve au milieu d'Untitled #5 “Álafoss“. C'est à partir d'ici que la tension va s'accumuler au sein du voyage. C'est ici qu'il devient plus extrême, pouvant lasser les gens qui ne s'y retrouvent pas dans cette ambiance épaisse et angoissante faite quasi uniquement de nappes de claviers et de guitares, d'écho et de réverbération. On attaque personnellement ma partie préférée du voyage (c'est vraiment le morceau que je préfère dans l'album). Celle où l'Islande apparaît dans toutes ses contradictions. Celle où l'auditeur se retrouve face à ses propres sentiments contradictoires. Y a-t-il de la colère ici? De la tristesse? Du recueillement? Les cendres charriées par les volcans du sud de l'Islande s'insinuent partout en nous et restent en suspension durant tout Untitled #5 “Álafoss“... Un morceau pesant et angoissant comme un nuage volcanique. Une tension qui d'ailleurs ne se relâche pas dans Untitled #6 “E-Bow”, malgré une batterie plus proéminente. Le morceau est totalement hanté. Planant et sombre, comme un nuage volcanique dans lequel un esprit étrange pourrait roder... C'est peu étonnant que le groupe choisisse de jouer ce morceau à l'usine abandonnée de pèche de Djúpavík dans le film Heima. Un morceau sinistre qui colle bien à ce lieu quasi à l'abandon du nord ouest de l'Islande. La tension mystique et sombre est à son comble dans le chant étrange et très plaintif d'Untitled #7 “Dauðalagið”qui dure presque 13 minutes. “Dauðalagið” veut dire « chanson de la mort ». Le nuage recouvre le lac, tout le sud de l'Islande, la mer... Même si le morceau est probablement trop long d'une ou 2 minutes, il atteint son paroxysme dans son « explosion » vers 10 min 30. L'éruption sans fin s'intensifie...

Pourtant tout semble calme au début d'Untitled #8 “Popplagið” avec sa guitare acoustique. Une envolée finale... Finalement nous prenons de la hauteur à nouveau, et le nuage de cendre disparaît s'étalant en dessous de nous. Oubliée la peur mystique des trois morceaux précédents. Seul l'immensité d'un ciel pur s'ouvre sous ces arpèges de guitare et ce chant nettement moins plaintif qu'auparavant (même si le Vonlenska le rend toujours indéfinissable). On pourrait se croire revenu à la quiétude du début de l'album s'il n'y avait pas ce changement radical aux alentours de 6 minutes. Car en prenant de la hauteur, nous pouvons voir l'origine de ce nuage volcanique. Et il se produit alors une chose assez rare dans la musique de Sigur Rós : elle explose. La batterie entre violemment en scène et la basse gronde comme elle ne le fait à aucun autre moment dans l'album. Grímsvötn s'étend à nos pieds crachant des flots de lave continus. La progressive montée à partir de 9 min 30 est une explosion. La joie, la colère, la beauté des 7 autres morceaux fondent dans cette furie incandescente rare chez le groupe. Le larsen continu final est le point final de cette explosion hors du temps.

() est probablement l'album le plus exigeant de Sigur Rós. Le voyage est froid, parfois lugubre et austère et la longueur des morceaux peut rebuter l'auditeur. Le soin maniaque apporté à la production peut même rappeler Pink Floyd, mais sert pour certains à cacher le vide des compositions. Car cet album est réellement minimal, joue avec un silence étrange et distille une ambiance difficilement qualifiable. Ce troisième album sans titre est réellement le plus sinistre du groupe, le plus extrême. Il est moins beau que son prédécesseur Sigur Rós - Ágætis byrjun (1999) , et moins accessible que le joyeux Með suð í eyrum við spilum endalaust. Mais parfois la beauté se cache même dans les ténèbres les plus sombres ou dans le froid extrême d'un iceberg...

16,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.  

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