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18 juin 2011 6 18 /06 /juin /2011 15:01

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/8/8d/Sigurros%28%29.jpg

 

Tracks : Untitled #1 “Vaka” ; Untitled #2 “Fyrsta” ; Untitled #3 “Samskeyti” ; Untitled #4 “Njósnavélin“ ; Untitled #5 “Álafoss“ ; Untitled #6 “E-Bow” ; Untitled #7 “Dauðalagið” ; Untitled #8 “Popplagið”

Un murmure dans la pénombre... Un craquement au loin. La glace se brise et se fend. Le silence devient l'espace de quelques secondes un chaos sans nom. Les icebergs dérivent ici au Jökulsarlon, dans le sud est de l'Islande. Chutant du Vatnajökull dans ce lac glaciaire, les blocs de glace dérivent, s'échouent et se disloquent. Formant parfois comme des parenthèses issues de l'eau, portes d'un monde glacial et ténébreux. Seuls quelques phoques et quelques oiseaux vivent ici, au pied du plus grand glacier d'Europe. Car les seuls réels maitres des lieux une fois passées ces portes de glace sont le silence et le froid. Est-ce cette porte que Sigur Rós nous invite à passer avec ce troisième album sans nom? Est-ce vers ce voyage que le groupe nous convie à travers ces parenthèses qui sont la seule inscription disponible sur l'album? Une tête de phoque émerge du Jökulsarlon. Il nous regarde, et nous invite à le suivre au fond des eaux, au milieu des icebergs. Retenez votre respiration. Le voyage sera glacial.

Quelques notes de piano dans le vent nous accueillent. Le lac est immense... D'emblée l'écho domine. Les quelques notes de piano se perdent dans l'immensité. Après tout l'album a été enregistré dans la piscine désaffectée d'Álafoss (devenue depuis studio d'enregistrement de pleins de groupes islandais), et le son donne l'impression de jouer avec l'eau glacée. Lorsque les cordes d'Amiina se mettent à résonner, les amarres sont larguées. Nous plongeons dans le lac peu à peu. Le chant nous parvient déformé, surréel, incompréhensible. Tout l'album sera chanté en Vonlenska, langage inventé par le chanteur Jónsi sur l'album précédent (la chanson Olsen Olsen). La plongée n'en est que plus enivrante...

Une plongée sublime, marquée par l'air qui se dégage des compositions. Car loin de se faire suffocantes, les quatre premières chansons apportent un souffle épique à l'album. Pourtant elles sont minimales. Quelques notes de piano pour Vaka, quelques arpèges de guitare pour Fyrsta... Et pourtant le soin apporté au son, à l'écho et à la réverbération leur donne une ampleur à la fois intime et immense. Comme si ce guide qui nous guidait à travers la glace nous invitait à la fois à contempler notre propre reflet dans un iceberg et à contempler le calme qui règne autour de nous. Une simple piste de piano quasi instrumentale comme Samskeyti nous emmène dans ce froid prenant, mais qui reste accueillant. Car même si l'ambiance est froide, il y a de la vie autour de ce lac. C'est la vie qui domine la première moitié de (). Une vie qui gagne en dépit de tout, du froid, de la nuit et de l'austérité...

36 secondes. Le silence règne pendant 36 secondes à la fin d'Untitled #4 “Njósnavélin“. Et lorsqu'on émerge du lac après ces secondes de silence, tout a changé. Est-ce le temps qu'il a fallu pour que Grímsvötn se réveille? L'air est lourd, sombre. La nuit est enfin tombée. Mais ce n'est pas une nuit ordinaire. Nuit de cendre. L'air devient lourd, oppressant. La légèreté des 4 premiers morceaux est loin lorsqu'on se retrouve au milieu d'Untitled #5 “Álafoss“. C'est à partir d'ici que la tension va s'accumuler au sein du voyage. C'est ici qu'il devient plus extrême, pouvant lasser les gens qui ne s'y retrouvent pas dans cette ambiance épaisse et angoissante faite quasi uniquement de nappes de claviers et de guitares, d'écho et de réverbération. On attaque personnellement ma partie préférée du voyage (c'est vraiment le morceau que je préfère dans l'album). Celle où l'Islande apparaît dans toutes ses contradictions. Celle où l'auditeur se retrouve face à ses propres sentiments contradictoires. Y a-t-il de la colère ici? De la tristesse? Du recueillement? Les cendres charriées par les volcans du sud de l'Islande s'insinuent partout en nous et restent en suspension durant tout Untitled #5 “Álafoss“... Un morceau pesant et angoissant comme un nuage volcanique. Une tension qui d'ailleurs ne se relâche pas dans Untitled #6 “E-Bow”, malgré une batterie plus proéminente. Le morceau est totalement hanté. Planant et sombre, comme un nuage volcanique dans lequel un esprit étrange pourrait roder... C'est peu étonnant que le groupe choisisse de jouer ce morceau à l'usine abandonnée de pèche de Djúpavík dans le film Heima. Un morceau sinistre qui colle bien à ce lieu quasi à l'abandon du nord ouest de l'Islande. La tension mystique et sombre est à son comble dans le chant étrange et très plaintif d'Untitled #7 “Dauðalagið”qui dure presque 13 minutes. “Dauðalagið” veut dire « chanson de la mort ». Le nuage recouvre le lac, tout le sud de l'Islande, la mer... Même si le morceau est probablement trop long d'une ou 2 minutes, il atteint son paroxysme dans son « explosion » vers 10 min 30. L'éruption sans fin s'intensifie...

Pourtant tout semble calme au début d'Untitled #8 “Popplagið” avec sa guitare acoustique. Une envolée finale... Finalement nous prenons de la hauteur à nouveau, et le nuage de cendre disparaît s'étalant en dessous de nous. Oubliée la peur mystique des trois morceaux précédents. Seul l'immensité d'un ciel pur s'ouvre sous ces arpèges de guitare et ce chant nettement moins plaintif qu'auparavant (même si le Vonlenska le rend toujours indéfinissable). On pourrait se croire revenu à la quiétude du début de l'album s'il n'y avait pas ce changement radical aux alentours de 6 minutes. Car en prenant de la hauteur, nous pouvons voir l'origine de ce nuage volcanique. Et il se produit alors une chose assez rare dans la musique de Sigur Rós : elle explose. La batterie entre violemment en scène et la basse gronde comme elle ne le fait à aucun autre moment dans l'album. Grímsvötn s'étend à nos pieds crachant des flots de lave continus. La progressive montée à partir de 9 min 30 est une explosion. La joie, la colère, la beauté des 7 autres morceaux fondent dans cette furie incandescente rare chez le groupe. Le larsen continu final est le point final de cette explosion hors du temps.

() est probablement l'album le plus exigeant de Sigur Rós. Le voyage est froid, parfois lugubre et austère et la longueur des morceaux peut rebuter l'auditeur. Le soin maniaque apporté à la production peut même rappeler Pink Floyd, mais sert pour certains à cacher le vide des compositions. Car cet album est réellement minimal, joue avec un silence étrange et distille une ambiance difficilement qualifiable. Ce troisième album sans titre est réellement le plus sinistre du groupe, le plus extrême. Il est moins beau que son prédécesseur Sigur Rós - Ágætis byrjun (1999) , et moins accessible que le joyeux Með suð í eyrum við spilum endalaust. Mais parfois la beauté se cache même dans les ténèbres les plus sombres ou dans le froid extrême d'un iceberg...

16,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.  

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commentaires

F
Hello.<br /> Superbe texte pour cet album si particulier, unique. Un texte atmosphérique à l'image de la musique de ce disque, en parfaite adéquation. La musique de Sigur Ros se vit + qu'elle ne s'explique<br /> réellement.<br /> "( )" est surement leur disque le plus contemplatif, onirique, cosmique.....un disque tellurique, Pink Floyd 2.0 !!! Je l'ai beaucoup écouté à sa sortie quand je pratiquais la<br /> méditation/relaxation. Une oeuvre quasi mystique.......
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S
<br /> Il est superbe celui là! C'est vrai :)<br /> <br /> <br />
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M
<br /> Si tu souhaites découvrir Sigur Ros, je te conseille vraiment Ágætis byrjun leur deuxième album de 1999 que j'ai abordé ici il y a quelques temps (une pochette noire avec une sorte de fœtus<br /> dessus), ou leur dernier Með suð í eyrum við spilum endalaust qui s'ouvre par Gobbledigook. En plus la pochette de celui-ci devrait te plaire!<br /> <br /> C'est vraiment les descendants de Pink Floyd à mon gout...<br /> <br /> <br />
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J
<br /> Je ne connais pas bien ce groupe, à part l'étonnant clip de "Gobbledigook". Oui, effectivement, le concert de Plant/page à Bercy en 1995 était un grand moment!<br /> <br /> <br />
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