Tracks : Magical Mystery Tour ; The Fool On The Hill ; Flying ; Blue Jay Way ; Your Mother Should Know ; I Am The Walrus ; Hello Goodbye ; Strawberry Fields Forever ; Penny Lane ; Baby You're A Rich Man ; All You Need Is Love
L'age d'or du rock est pour beaucoup daté : 1967. Année de sortie des deux premiers albums des Doors, du premier Velvet Underground, des deux premiers disques de The Jimi Hendrix Experience, du premier Pink Floyd, de Surrealistic Pillow de Jefferson Airplane, de John Wesley Harding de Dylan... Pas un mois de cette année sans son chef d'œuvre Mais s'il y a un un groupe au dessus de la mêlée, qui montre la voie et fait les modes en 1967, c'est bien les Beatles. Cette année est pour les Fab Four l'apogée de leur carrière. Le sommet de leur cohésion et de leur créativité en tant que groupe, avant qu'en 1968 ils partent en Inde et se séparent en quatre identités distinctes. Sorti en début d'année, The Beatles - Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band (1967) est le disque du “Summer Of Love”, séduisant les hippies comme les amateurs de pop. Chef d'œuvre de pop psychédélique, concept album, crise de mégalomanie, Sgt Pepper's invente en tout cas l'album, pensé tel qu'on le connaitra par la suite. Mais pour autant, les Beatles n'oublient pas leur savoir-faire en matière de singles. Et 1967 est une grande année pour eux de ce coté là aussi, notamment avec Strawberry Fields Forever et Penny Lane, les deux singles qui auraient dû se trouver sur Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band. Le cinéma continue aussi d'intéresser les 4 garçons dans le vent durant ce Summer Of Love. Ils participent à un projet de film, qui deviendra Magical Mystery Tour. Et comme chaque collaboration entre eux et le cinéma, ils réalisent une bande originale. Celle-ci parut en Angleterre sous le nom de Magical Mystery Tour, sous la forme d'un double EP. Cependant les Etats-Unis ayant à l'époque une politique différente quant à la parution des singles, le label américain Capitol décidât de publier cette BO agrémentée de tous les singles du groupe sortis en 1967. Ce qui donnât un LP du nom de Magical Mystery Tour, deux fois plus long que le double EP anglais du même nom. L'objet de cette chronique donc. Si les Beatles sont donc au sommet avec Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band, qu'en est-il sur ce disque artificiel qui sera finalement intégré dans la discographie du groupe?
C'est le morceau éponyme qui ouvre les hostilités et la face A consacrée à la bande originale du film. Pour l'anecdote, Magical Mystery Tour servira de générique pour l'émission télé Va Savoir, animée par Gérard Klein dans laquelle il emmène des enfants à la découverte du monde dans un bus jaune. Au-delà de l'anecdote, Magical Mystery Tour, tout comme Sgt Pepper's Lonely Heartss Club Band qui ouvre l'album du même nom est une introduction parfaite. La fanfare de cuivres apporte une ambiance de foire, typique du son des Beatles en 1967 et la rythmique implacable fait que le titre passe vite, probablement trop. A noter des overdubs vocaux qui donnent un coté un peu magique (certains diront défoncés) à ce début de voyage qui se conclut par quelques notes d'un piano solitaire...
Des notes de piano qui permettent de faire la transition avec ce qui est probablement le morceau le plus mélancolique de cette face A, The Fool On The Hill. Composé par Paul McCartney ce morceau est un bijou de douceur mélancolique, portée par le piano et une flute qui a même le droit à divers solos. Un titre datant des sessions de With A Little Help From My Friends et qui est largement au niveau de ceux de Sgt Pepper's tant cette mélancolie presque enfantine est belle.
Flying est forcément inférieure, après deux merveilles pareilles. Composée par le groupe en entier, c'est une des seules chansons instrumentales du groupe. Une courte démonstration psychédélique, qui sans être mauvaise est vraiment anodine et pas seulement à cause des chansons précédentes.
Blue Jay Way poursuit le voyage dans le psychédélisme avec beaucoup plus de réussite. Composée par Harrison, la chanson se perd dans une atmosphère mystique assez propre aux compositions du guitariste à l'époque. Le son de l'orgue Hammond, mélangé à celui du violoncelle donne aussi cet air irréel au morceau, où chose rare, Lennon et McCartney sont relégués aux backing vocals. Une belle promenade psychédélique offerte par le bus jaune le long de ce titre...
Malheureusement, ce voyage psychédélique est un peu stoppé par le morceau que j'aime le moins de la face A avec Flying : Your Mother Should Know. Composée par McCartney, la chanson se contente d'une pop gentille, plutôt agréable, mais (très) faible comparée à ce qui précède (Magical Mystery Tour ou The Fool On The Hill), ou ce qui suit...
Car ce qui suit est un pur chef d'œuvre de psychédélisme. Le joyau de cette face A, signé Lennon, plutôt discret jusque là. Il s'agit d'I Am The Walrus, une des plus étranges et des plus passionnantes chansons des Beatles. Les premiers vers annoncent d'entrée le trip : “I am he as you are he as you are me and we are all together ; See how they run like pigs from a gun, see how they fly / I'm crying”. Plongée du bus jaune derrière le lapin blanc... Car l'univers de cette chanson doit beaucoup à Lewis Carroll. “Je suis le morse”, le méchant de l'affaire. Peu importe le coté totalement chaotique du texte, ou de la mélodie. Cette anarchie psychédélique et psychotique, mélange de guitares, basse, batterie, violons, violoncelles, cor et clarinette est un joyau et un des mes morceaux préférés des Beatles.
Si McCartney avait un peu loupé sa dernière chanson de la face A avec Your Mother Should Know, il se rattrape aisément avec le titre qui ouvre la face B : Hello Goodbye. Pure ritournelle pop dans le style du bassiste, cette chanson est relativement classique par rapport aux deux morceaux qui l'entourent (signés Lennon), tout en demeurant totalement imparable. Seules les 30 dernières secondes surprennent un peu. Le refrain est absolument génial et le chant fait le charme de ce morceau, définitivement intemporel.
Strawberry Fields reprend néanmoins les choses là où I Am The Walrus les avait laissées. Nouvelle prouesse d'un Lennon discret mais au sommet de son art. Ce morceau est à nouveau un chef d'œuvre, plein de mélancolie et de rêverie... Une image idéalisée d'une enfance probablement pas si heureuse que ça, portée par le psychédélisme du mellotron d'introduction (joué par McCartney) et les transitions au violoncelle ou au swarmandal... Une sucrerie douce amère sublime de poésie et d'évocation. Un autre chef d'œuvre psychédélique de plus pour Magical Mystery Tour.
Mais Paul McCartney n'est pas homme à désarmer si facilement. Et si Lennon a marqué un point en composant une immense chanson sur son enfance plus ou moins fantasmée, il en fait de même avec la sublime Penny Lane. Plus conventionnelle dans son instrumentation, Penny Lane vaut bien Strawberry Field dans sa beauté. Véritable scène de théâtre mise en scène par McCartney, cette visite du quartier de Liverpool que les quatre garçons connaissent bien (même si seul Lennon l'a vraiment habité) est un pur moment de pop, porté par la beauté des images de McCartney, la douceur de sa voix et les arrangement de cuivres, absolument fabuleux. Un nouveau chef d'œuvre
Baby You're A Rich Man parait bien faible au milieu de tous ces chefs d'oeuvres. Le morceau est en effet un peu bancal. Si les couplets calmes chantés par Lennon sont d'une douceur assez psychédélique, ils contrastent avec le refrain plus rock n' roll composé par McCartney. C'est surtout le son de clavioline qui donne ce petit motif musical au morceau qui lui donne son intérêt. Un (très) bon morceau ceci-dit. Juste mineur par rapport à ce qui l'entoure.
Car les cuivres de La Marseillaise entament ce qui est probablement une des chansons les plus connues des Beatles : All You Need Is Love. Ultime chef d'œuvre de Magical Mystery Tour, signé Lennon, le morceau est peut-être la profession de foi ultime du mouvement hippie. Certes c'est un peu béat maintenant, mais après tout... La beauté de l'arrangement orchestral rend cette chanson aussi immortelle que son message.
Cette face B est donc, indéniablement, la plus belle face de vinyle gravée par les Beatles, au sommet de leur gloire. Seul Baby, You'Re A Rich Man est en dessous du reste, mais si on la remplace par I Am The Walrus, on n'a que des chefs d'oeuvres. Et la face A, même si elle est inférieure, est-elle aussi très bonne. Au final, il n'y a que 3 titres qui sont bons ou anodins : Flying, Your Mother Should Know et Baby You're a Rich Man. Pour le reste Magical Mystery Tour est un sommet absolu des Beatles, certes inférieur aux albums pensés tels quels ( The Beatles - Revolver (1966) et Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band). Une conclusion parfaite à cette trilogie psychédélique de 1966-1967 qui reste ma période préférée du groupe. De quoi reprendre un billet pour ce tour magique plein de mystère...
17,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
Moi-même.