Tracks : Soldier ; Stanger ; Characters ; I Dreamed I Saw ; Rats and Roaches ; Down In Texas ; Shakles and Chains ; This Could Be The Day ; This Is Your World ; White Rails
Le 3 avril 2011, Calvin Russell s'éteignait à Austin au Texas, ville qui l'avait aussi vu naitre. Cancer du foie. Ses mauvaises habitudes avec le whisky ont finalement eu raison de lui. Mais malgré tout, l'homme nous laisse une belle discographie, même s'il a commencé sur le tard. A 40 ans passés pour être exact. C'est en 1989 que Calvin se lançât dans la musique, repéré par le patron du label français New Rose, Patick Mathé. Son statut de marginal, hors la loi réfractaire à la société et dealer pour survivre marque déjà les esprits. Son visage buriné semble être le reflet de ce sud de l'Amérique, sa violence, sa chaleur, ses fantômes et sa poésie. Le talent fait le reste. Et dès le début de sa carrière, l'homme nous livre des pépites, telles A Crack In Time et Calvin Russell - Songs From The Fourth World (1991) . Autant de flops au Texas, mais de jolis petits succès en France. C'est sur ce début de renommée que l'homme se lance dans l'écriture de son troisième album, pour lequel il reçoit le soutien de Jim Dickinson, collaborateur de Ry Cooder, des Rolling Stones et de Bob Dylan. Autant dire qu'une certaine attente pesait sur les épaules de Calvin Russell lorsqu'il livre Soldier en 1992, sa troisième galette en 2 ans. De quoi définitivement poser les bases de son mythe?
Et c'est avec le titre éponyme que Soldier démarre. Et c'est tout simplement un des plus beaux morceaux de toute la carrière de Calvin qui se dévoile ici. Si on devait résumer l'œuvre de Calvin à deux titres (même si c'est très réducteur), ce serait Crossroad (sur Songs From the Fourth World) et Soldier. Les accords acoustiques sont ici superbes et Calvin chante de sa plus belle voix... « I'm just a person/I don't claim no country/I just don't need a flag/To say who I am ». Un titre pacifiste magnifique d'émotion, de délicatesse et de feeling. Et lorsqu'éclate le superbe solo de guitare électrique final, la légende se construit, et Soldier en sera une des clés de voute.
Après un tel éclair de génie, Stanger fait (logiquement) bien pale figure. La chanson est plus rythmé, acoustique elle aussi, mais est nettement moins prenante que ne peut l'être le superbe titre d'ouverture ou I Dreamed I Saw. Convaincant, mais sans plus.
Characters l'est nettement plus. La guitare électrique fait ici son entrée pour un titre complet, et nous offre un riff excellent, sec et rêche, qui s'accompagne très bien d'un peu d'orgue Hammond. Une rudesse électrique superbe pour que Calvin évoque ses compagnons de cellule, ces fameux Characters qui défilent tout le long du titre. Pas le meilleur titre électrique de l'album, mais une (très) belle chanson quand même...
Mais un album de Calvin Russell, c'est aussi l'alternance entre pépites électriques et pépites acoustiques. Après le très bon Characters, c'est donc l'acoustique I Dreamed I Saw qui poursuit la route. Le titre est après Soldier, mon titre acoustique préféré de l'album, tant il est poétique (les paroles sont très belles) et fin. L'évocation de cette cité et de la nature est simple, mais émouvante au possible, tout comme ces arpèges. Un titre superbe d'émotion, un folk absolument magnifique à vous en tirer des larmes. Après tout, la simplicité peut-être très belle...
Et après le folk, c'est le blues qui est convoqué avec Rats And Roaches. Blues acoustique, à l'ancienne. Un temps ancien où il n'y avait pas autant de puits de pétrole au Texas. Et ce qui se dégage de ce titre, c'est son authenticité, sa rudesse et son charme rustique. Ce n'est qu'un blues parmi tant d'autres dans la carrière de Calvin. Mais ce blues acoustique est excellent, notamment grâce à la guitare, et s'il n'invente rien, il est néanmoins très bon.
Down In Texas est par contre nettement plus inventif et étrange. Le titre est entièrement électrique, et ce riff étrange « plane » tout le long du titre. Il y a même quelques effets sur la voix qui lui donne un aspect étrange, presque robotique à un moment. Une sacrée surprise que ce titre innovant au milieu de cet album assez traditionnel. C'est surement ce qui fait que ce titre très atypique est mon préféré de l'album avec Soldier et I Dreamed I Saw, et mon préféré à la guitare électrique ici.
Un piano fait son apparition pour Rats And Chains, titre à l'ambiance plus hispanisante et country. L'ambiance « cow-boys fatigués à la frontière mexicaine » est plutôt réussie grâce à ce piano et à des chœurs qu'on dirait pris dans un bar. Enfin c'est un des titres les plus faibles de l'album à mon goût néanmoins.
This Could Be The Day vient relever le niveau avec un titre acoustique un peu dans la lignée de Soldier (la guitare est dans le même style), simple, mais émouvant... La magie du titre tient surtout à la guitare acoustique, superbe, et qui amène le morceau au même niveau de plaisir que I Dreamed I Saw. Manque peut-être un petit solo de guitare électrique et des paroles un peu plus poussées pour faire de ce titre un équivalent à Soldier ou Crossroad.
This Is Your World est un titre électrique plus rock, assez basique et un peu « plat » je trouve. C'est dommage, il y a une belle conviction dans la voix de Calvin, un sympathique orgue Hammond en soutien et un joli solo de guitare électrique, qui est assurément le meilleur moment du morceau. Un morceau probablement meilleur sur scène que sur ce mix (intitulé Memphis Mix) qui l'aplatit un peu.
C'est à un boogie qu'il revient de conclure l'album : White Rails. Le titre est rythmé, assez électrique mais ne parvient pas à la hauteur d'un Characters ou Down In Texas. Le titre tout comme This Is Your World et Rats And Chains me paraît assez moyen, pas mauvais, mais pas transcendant. Après les pépites que contient cet album, c'est d'autant plus dommage.
Car si Soldier n'est probablement pas le meilleur album de Calvin Russell (Songs From The Fourth World est supérieur), il comporte un bon nombre de magnifiques morceaux. En premier lieu le titre éponyme, Soldier, qui est un classique. Mais des pépites comme I Dreamed I Saw, Characters, Down In Texas ou Rats And Roaches sont aussi à découvrir et savourer. La fin de l'album un peu plus moyenne empêche néanmoins cet album d'être le plus accessible de cet artiste. Un vrai bluesman sensible et poétique, qui va beaucoup me manquer... Quelque soit la route qu'il ai désormais pris au crossroad, il nous laisse de superbes chansons et de superbes albums comme ce Soldier à (re)découvrir...
15,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
Moi-même.