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15 novembre 2011 2 15 /11 /novembre /2011 15:36

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/1/19/BadasMe.png

 

Tracks : Chicago ; Raised Right Men ; Talking At The Same Time ; Get Lost ; Face To The Highway ; Pay Me ; Back In the Crowd ; Bad As Me ; Kiss Me ; Satisfied ; Last Leaf ; Hell Broke Luce ; New Year's Eve

 

Depuis 2004, Thomas Alan Waits avait disparu de la circulation. Aucune nouvelle depuis Real Gone. Aucun album studio en 7 ans. Bien sur, l'homme n'était pas totalement aux abonnés absents. Une compilation de raretés (Orphans : Brawlers, Brawlers and Bastards) et un live (Glitter And Doom Live) nous ont permis de garder le contact avec lui. On l'a vu aussi au cinéma, notamment dans l'excellent L'imaginarium du Docteur Parnassus, où le regretté Heath Ledger apparaissait pour la dernière fois. Les années 2000 furent pour Tom des années théâtrales. Une influence sur son travail au cinéma, bien sur, mais aussi sur ses idées musicales. Ses albums des années 2000 (Blood Money ; Alice ; Real Gone) sont très inspirés par un théâtre rappelant Brecht et qui semble de plus en plus l'intéresser au détriment de la musique. Jusqu'à ce silence de plusieurs années... Un silence finalement rompu le 23 aout 2011 avec l'annonce de la sortie d'un nouvel album studio du maitre. Ce jour là, un nouveau morceau est révélé : Bad As Me. Il donne son nom à la galette qui est finalement sortie le 21 octobre. De quoi prouver que Tom Waits, malgré son silence de 7 ans est toujours aussi génial et méchant?

 

“Maybe things will be better in Chicago”. Chicago sert de point de départ au voyage. Tout comme Singapore servait de point de départ à Tom Waits - Rain Dogs (1985). Ou tout comme le Japon (Big In Japan) servait de point de départ à Tom Waits - Mule Variations (1999). Clin d'œil? C'est possible, tant cette 17ème livraison du plus troubadour des bluesmen américains (et réciproquement) semble vouloir revenir sur les bases qui ont fait son succès. Soit Rain Dogs, Mule Variations, Swordfishtrombones et Bone Machine. Les deux premiers commencent, tout comme Bad As Me par l'évocation d'un lieu. Ici c'est le lieu de naissance du blues électrique qui donne à ce morceau une âme torturée immédiatement reconnaissable. Du pur Tom Waits.

Ce dernier cherche d'ailleurs d'autant plus à renvoyer aux ambiances de Rain Dogs, Bone Machine ou Mule Variations qu'il est entouré ici de musiciens ayant déjà joués à ses cotés sur ces albums. Tout d'abord Marc Ribot, guitariste qui a souvent joué avec Tom Waits (notamment sur Rain Dogs et Mule Variations) et qui vient illuminer de son jeu l'album. Une nouvelle fois... Tom invite aussi un autre guitariste avec qui il a déjà joué sur Rain Dogs et Bone Machine et qui vient lui apporter une science du riff inimitable. Réfugié d'une machine Rolling Stones en panne, c'est en effet Keith Richards en personne qui vient poser sa guitare sur quatre titres de Bad As Me (Chicago, Satisfied, Last Leaf et Hell Broke Luce). Quatre des plus beaux titres de l'album, d'ailleurs. Mais Tom s'entoure aussi de quelques fidèles comme Charlie Musselwhite à l'harmonica (comme sur Mule Variations), le multi-instrumentiste David Hildalgo, déjà dans l'équipe depuis Franks Wild Years ou encore Larry Taylor et Les Claypool à la basse, auxquels il adjoint un autre invité prestigieux : Flea, le célèbre bassiste des Red Hot Chili Peppers (qui joue sur Raised Right Men et Hell Broke Luce).

 

Bad As Me renvoie donc à la propre mythologie du sieur. De quoi frôler l'auto-caricature donc... Mais en fait il n'en est rien. L'album est bien le meilleur du conteur depuis Mule Variations. Il y a un souffle unique qui parcourt ces 13 morceaux simples (qui n'ont pas de liens entre eux j'entends) et qui les rend géniaux. Certes Tom nous renvoie simplement à ses propres sommets. Le sale petit cabotin est sur de nous plaire comme ça. Mais loin de la redite, on retrouve l'âme d'un blues déglingué qui nous séduit quasiment immédiatement. L'homme se permet à nouveau des blues torturés et gueulards (Chicago), réutilise à merveille des percussions étranges qui ont fait de sa musique de cirque cette chose si attrayante (Raised Right Men) et se permet même des commentaires sur la crise actuelle qui secoue le monde (Everybody's Talking In The Same Time) sur un fond de cuivres oscillant entre le tragique et le comique. Le chanteur semble même rendosser son costume de Mr. Nick (le diable dans L'imaginarium du Docteur Parnassus) avec l'amusante Bad As Me, single évident, même s'il n'est pas le meilleur titre de l'album.

Comme à son habitude, le chanteur n'oublie pas non plus ses premières amours. Comme d'habitude donc, il nous livre d'arrachantes ballades au piano où sa voix au bord du gouffre peut émouvoir à peu près n'importe qui. Essayez Face To The Highway et la très romantique Kiss Me où sa voix semble sortir d'un vieux phonographe (une de mes préférées de l'album) pour voir... “Kiss Me Like A Stranger”, chante t'il, alors que jamais il n'a paru si proche et humain. Je ne peux que conseiller l'amusante New Year's Eve et son accordéon mélancolique pour votre réveillon de la Saint Sylvestre.

 

Les bons morceaux se ramassent donc à la pelle sur Bad As Me. Mais il y en a 3 qui sortent vraiment du lot, à la fin de l'album. Il s'agit de Satisfied ; Last Leaf et Hell Broke Luce, sur lesquels joue Keith Richards. Entendre le guitariste des Stones poser son jeu très reconnaissable sur un titre qui s'appelle Satisfied, presque 50 ans après I Can't Get No (Satisfaction) alors même que son groupe est au point mort et que Tom en rajoute “Now Mr. Jagger and Mr. Richards/I Will scratch where I've been itching”, ça a quelque chose de réjouissant. Mais là où Keith et Tom font des merveilles c'est sur les deux titres suivants. Sur Last Leaf, ce duo n'a jamais paru aussi intemporel, immortel et émouvant. La dernière feuille de l'arbre, alors que toutes les autres sont tombées... Pour la seule fois de l'album, ses deux là mélangent leurs voix pour un résultat absolument magistral. Une chanson mélancolique, à la guitare acoustique qui prouve que définitivement, ces deux artistes seront toujours parmi les dernières feuilles de l'arbre de l'éternité. Par contraste, là ou Last Leaf n'est que fragile beauté mélancolique, Hell Broke Luce est un morceau électrique complétement déjanté, évoquant la guerre et la violence. Bruits de mitrailleuses, chant scandé et hurlé, riffs infernaux et incendiaires qui servent un texte rageur et violent contre la guerre : “That big fucking bomb made me deaf, deaf/A Humvee mechanic put his Kevlar on wrong/I guarantee you'll meet up with a suicide bomb “. Une pure déflagration, dans tous les sens du terme...

 

De quoi conclure en beauté ce retour de Tom Waits. On pouvait craindre ce retour. Après tout il est parfois difficile d'être à la hauteur de sa légende... Mais Tom Waits est toujours le même. Sa voix est intacte, toujours aussi rauque et belle et son inspiration rappelle les grandes heures de sa carrière. De quoi ajouter une nouvelle (superbe) pierre à l'édifice. Peu original, certes. Enfin pour du Tom Waits s'entend. La plupart des artistes n'osent même pas imaginer dans leurs rêves les plus fous d'avoir un univers pareil. Mais ce Bad As Me est assurément un des 5 meilleurs crus de Tom Waits à mon gout. De quoi prouver que Tom est toujours le plus féroce, le plus cabotin et un des plus géniaux songwriters américains, comme le prouve son intronisation au Rock N'Roll Hall Of Fame cette année.

 

16,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.
 

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