Tom Waits - Rain Dogs (1985)

Tracks : Singapore ; Clap Hands ; Cemetery Polka ; Jockey Full of Bourbon ; Tango Till They're Sore ; Big Black Mariah ; Diamonds & Gold ; Hang Down Your Head ; Time ; Rain Dogs ; Midtown (Instrumental) ; 9th & Hennepin ; Gun Street Girl ; Union Square ; Blind Love ; Walking Spanish ; Downtown Train ; Bride of Rain Dog (Instrumental) ; Anywhere I Lay My Head

Les années 80 sont souvent caractérisées par un usage immodéré du synthé et des boites à rythmes à part probablement dans le hard rock. Cependant il est un artiste qui échappe à ces modes et ces manies : Tom Waits. Il faut dire que le crooner est un artiste à l’aura unique, et possède un univers qui lui est propre. Après avoir signé chez Asylum quelques albums à l’ambiance très jazzy et cabaret dans les années 70, Tom Waits s’est peu à peu imposé comme un artiste unique et spécial. Sa signature chez Island Records (le fameux label de Chris Blackwell qui révéla notamment Bob Marley) lui permet de sortir une trilogie plus étrange encore que sa discographie précédente : Swordfishtrombones, Rain Dogs, Frank’s Wild Years. Au cœur de cette trilogie se trouve donc un album fort apprécié de la critique rock : Rain Dogs. Assez peu connu du public, cet album s’avère imposer un style unique, et la voix très spéciale d’un artiste qui l’est tout autant.

19 titres parsèment donc ce Rain Dogs à l’ambiance enfumée au carrefour de bien des genres musicaux. On retrouve ici pèle mêle des cuivres du jazz, des guitares blues et rock, des banjos country et une multitude d’instruments plus ou moins incongrus. Le résultat est étrange, dans une musique dont on imagine qu’elle ne peut être jouée que dans un bar crasseux, où la mine des clients est blafarde, où la fumée des cigarettes s’accumule au plafond, et où une forte odeur de whisky prédomine.

Car c’est ça la voix de Tom Waits, ce qui lie tous les éléments étranges de cet album. Un critique a un jour décrit la voix de Tom Waits comme trempée dans un fut de Bourbon, séchée et fumée pendant quelques mois, puis sortie et renversée par une voiture. Et finalement cette description correspond assez bien à la description de cette voix unique, inimitable et tellement plaisante. Il y’a un peu de ressemblance avec Bruce Springsteen ou Iggy Pop, mais en plus destroy, beaucoup plus sale et brisé que ces deux là. Et c’est ce timbre de voix qui donne vie à ce romantisme teinté de noirceur qui parcourt tout l’album.

Car l’ambiance reste éminemment romantique, même si elle semble provenir d’un film noir. Après Tom Waits a souvent travaillé avec Jarmush, et cette influence cinématographique se ressent ici. Le décor ne peut être que sale et enfumé, et le quotidien forcément sombre. Les femmes évoquées sont parfois des prostituées, et le malheur semble habiter cette voix marquée par l’alcool. Mais ce malheur est si bien accordé aux notes étranges de la guitare électrique et à cette rythmique plombée et étrange qu’il est impossible de ne pas trouver un certain romantisme dans les images qui nous apparaissent.

19 titres donc, plutôt courts (surement du 2min 40 de moyenne environ), mais une ambiance énorme, un tout homogène grandement appréciable. Je ne fais donc pas de piste par piste car ça serait long et inintéressant, tant l‘album s’écoute comme une œuvre globale. L’ambiance est un peu plus sombre que sur les opus des années 70 mais c’est une sacrée réussite en dehors du temps. Le film de Terry Gilliam, L’imaginarium du docteur Paranassius m’a donné l’occasion d’écouter et de découvrir cet artiste unique, au timbre de voix à l’émotion rare, et j’en suis enchanté. Je ne peux que vous donner le conseil de vous laisser à votre tour porter par ce Rain Dogs, album intemporel et émouvant à souhait…

15,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.