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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 23:37

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/de/b/b3/Slow-riot-for-new-zero-kanada.jpg

 

Tracks : Moya ; Blaise Bailey Finnegan III

1999. Alors que le monde s'apprête à célébrer un nouveau siècle, l'heure du bilan s'impose. Ce XXème siècle a été celui de l'industrie florissante, puis de son recul, laissant à la ruine d'immenses cités comme Détroit ou Manchester. Ce siècle a été celui des totalitarismes et de la haine. Ce siècle a été celui de la culture de masse, par bien des vecteurs différents. L'un d'eux a été le rock. 1999, presque 50 ans d'histoire du rock. Pourtant depuis le début de la décennie 90, des groupes cherchent à inventer le « rock d'après », qui trouvera son nom ainsi : Le post-rock. Historiquement, le post-rock remonte au groupe Slint et à son deuxième album Spiderland, en 1991. Pourtant 1997 semble avoir été le moment où beaucoup de groupes de post-rock majeurs sont apparus sur scène. Parmi eux, on en compte trois qui deviendront des fleurons du genre : les écossais de Mogwai, les islandais de Sigur Rós et les canadiens de Godspeed You! Black Emperor. Ces trois groupes ont sorti leurs premiers albums à quelques mois d'intervalle en 1997. Et lorsqu'approche la fin du siècle, ils choisissent tous les trois de revenir à la charge. 1999 est donc l'année d'explosion du post-rock, si on considère que le genre existe en tant que tel (ce qui n'est pas si évident vu les disparités entre les groupes). Mogwai frappe (très) fort avec l'intense et lancinant Come On Die Young, tandis que les islandais de Sigur Rós semblent convoquer les anges sur Sigur Rós - Ágætis byrjun (1999) . Quant à Godspeed You ! Black Emperor, ils reviennent avec un EP, Slow Riot for New Zerø Kanada. Après la désolation magnifique de F#A#∞ et alors même que la « concurrence » frappe très fort, les canadiens de Godspeed You ! Black Emperor ne semblent donc rien lâcher de leurs idéaux révolutionnaires en cette fin de siècle... Et appellent même à une révolution au Canada. Au dos du disque apparaissent des instructions en italien pour fabriquer un cocktail molotov tandis que le recto cite la Genèse. Entre création et destruction, entre douceur et violence... Des contrastes réunis ici avec brio par le groupe?

Le voyage débute avec Moya, un des morceaux les plus courts de la carrière du groupe (10min51 quand même). C'est un bruit qui nous accueille, comme un train avançant peu à peu à travers la campagne ou comme un bateau s'approchant peu à peu des cotes (impression renforcée par ce bruit qui ressemble à une sirène)... Les paysages sereins et verts se dessinent peu à peu, au fil des cordes qui entrent peu à peu en action. Car ce sont bien les violons qui mènent complètement la danse lors des 4 premières minutes. Doux et tendres, à la fois stridents et émouvants ces violons forment une mélodie d'une beauté d'un autre monde. Et lorsque la guitare finit par égrener quelques notes vers 4 minutes, tout semble logique... Comme la transition d'un paysage en train. Après la beauté magnifique des cordes inhumaines, l'humain s'invite au fil de cette guitare calme. Vers 5 minutes c'est le rythme implacable qui fait irruption dans ce voyage rêvé. La batterie entre en scène, et le morceau prend alors une ampleur irréelle. Tout n'était qu'une esquisse de la fusion qui se crée devant nous. La danse entre les guitares saturées, la rythmique de plomb et les délicates cordes pourrait n'être que chaos... Et pourtant de ce chaos jaillit une étincelle d'une rare beauté. Comme si l'urbain commençait réellement à apparaître depuis la fenêtre du train, comme si nous nous approchions réellement de cette cité de la fin du XXème siècle. Le voyage s'accélère petit à petit. Imperceptiblement tout d'abord, avant d'éclater vers 7min 50. La fin ne sera qu'une course poursuite intense, une succession d'images entre la beauté des calmes violons qui m'évoquent la nature et les guitares saturées, qui m'évoquent un milieu urbain beaucoup plus sombre. Finalement, seul un violon solitaire conclue Moya, qui est vraiment un (le?) des plus beaux morceaux de toute la carrière des canadiens.

C'est une calme guitare qui égrène les notes unes à unes qui fait la transition sur les 30 premières secondes de Blaise Bailey Finnegan III avant de laisser la parole à l'homme du même nom. Ce dernier, que les fans de Godspeed You ! Black Emperor connaissent car il apparaît sur le morceau Providence de F#A#∞, débite un poème apocalyptique, qui est en fait la chanson Virus d'Iron Maiden (ce que le groupe ne savait apparemment pas à l'époque). D'ailleurs la rumeur veut que  Blaise Bailey Finnegan III soit peut-être l'ancien chanteur d'Iron Maiden Blaze Bayley. D'autres rumeurs prétendent qu'il s'agirait d'un sdf... Néanmoins la lecture passionnée de ce texte virulent (qui s'étale de 30 secondes à environ 4min 30) sur un fond de cordes est passionnante et enflammée, comme l'idéologie du groupe (violemment anticapitaliste) le veut... La suite, même sans discours, est tout aussi apocalyptique. La tristesse désolée s'emporte peu à peu en un cri des violons et des guitares qui explosent une première fois vers 7 minutes, avant de laisser place à un court silence de répit... Avant que Blaize ne revienne une deuxième fois apporter une touche humaine dans cette environnement urbain dévasté. Un long monologue sur un fond de bruits de moteur et quelques notes de piano qui s'évaporent au vent... Blaize Bailey Finnegan III livre pendant 3 minutes (de 8 minutes à 11minutes environ) un pamphlet enflammé contre les États-Unis, un état du Tiers-Monde selon lui... Le groupe en profite pour reprendre les choses l'a où il les avait laissées avant ce monologue. La musique revient, intense et puissante, émotionnelle et hargneuse. L'explosion qui avait débuté avant le monologue nous consume encore plus ardemment jusqu'à monter dans un crescendo infernal de batterie, de saturation et de cordes... Qui s'achève finalement dans des bruitages qui évoquent des fantômes et la désolation vers 15 minutes. Il n'y a plus de rage, plus de contestation. La fin du monde tel qu'on l'a connu est peut-être là. Il ne reste seulement  que des ruines à la beauté douloureuse, comme ce violon solitaire qui nous sert de guide durant les trois dernières minutes...

Ambiance de fin de siècle... C'est ce qui ressort du révolutionnaire (dans tous les sens du termes)  Slow Riot for New Zerø Kanada. Sombre et envoutant, cet EP retranscrit parfaitement au long de ses 30 minutes cette ambiance apocalyptique et urbaine qui fait la magie du groupe. Comme un penchant sombre à la beauté merveilleuse de Sigur Rós, Godspeed You ! Black Emperor nous met ici face à toutes nos émotions, positives (les cordes d'introduction de Moya), rageuses (les explosions d'électricité), révolutionnaires (les discours de Blaise Bailey Finnegan III) ou mélancoliques (le final). Mais finalement, une chose est sure. Si la révolution n'a jamais eu lieu au Canada et si le XXIème siècle n'est probablement pas meilleur que le XXème siècle, il restera toujours la beauté des rêves. Et même si le groupe a fait mieux (Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven), Slow Riot for New Zerø Kanada est un des plus beaux et sombres rêves de ces 15 dernières années...

17/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.   

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commentaires

M
Je te recommande en effet vivement cet EP si tu aimes le groupe ;) Il est court, mais absolument merveilleux.<br /> <br /> D'ailleurs le groupe n'existe plus vraiment mais se reforme périodiquement pour des concerts. Si tu aimes les bootlegs, tu as un site très bien fait pour télécharger ceux du groupe (dont certains<br /> datent de 2010 et 2011) : http://www.archive.org/details/gybe1999-09-04.shn
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S
J'aime beaucoup ce groupe, hélas disparu aujourd'hui... Hélas, je n'ai pas cet album mais ça fait envie...
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