Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 00:17

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/1/1f/Jeff_Beck-Beck-Ola.jpg

 

Tracks : All Shook Up ; Spanish Boots ; Girl From Mill Valley ; Jailhouse Rock ; Plynth (Water Down the Drain) ; The Hangman's Knee ; Rice Pudding

 

Lorsque sort Truth en 1968, Jeff Beck et son groupe (le bien nommé Jeff Beck Group), semblent avoir inventé une nouvelle forme de blues. Plus violent et puissant que jamais, le blues devient entre les mains de l'ancien guitariste des Yardbirds une ébauche de ce qu'on appellera par la suite le hard-rock. Pourtant écouté aujourd'hui, The Jeff Beck Group - Truth (1968) peut faire ciller. On est (très) loin de la violence du futur hard-rock, incarné ne serait-ce que par Deep Purple quelques années plus tard. L'album est bon, mais un peu dépassé. Mais en fait, ce coté un peu « obsolète » de Truth ne date pas d'hier. De l'aveu même de Jeff Beck d'ailleurs. Car le 12 janvier 1969, un de ses anciens camarades des Yardbirds publie avec son groupe son premier album, appelé Led Zeppelin. L'arrivée du zeppelin de plomb dans le ciel anglais modifie toute la donne, et en premier lieu celle de Beck. Propulsé par la frappe de pachyderme de Bonham, les hurlements de Robert Plant et les riffs de Jimmy Page, Led Zeppelin a même le culot de piquer des morceaux des anciens Yardbirds (Dazed And Confused), ou de reprendre le même titre de Willie Dixon qu'on trouvait déjà sur Truth (You Shook Me). Rien que l'écoute de cette reprise par le Jeff Beck Group, puis par Led Zeppelin illustre bien l'écrasante domination du dirigeable. De quoi énerver Jeff Beck, qui connait en plus très bien Jimmy Page. De quoi le motiver pour donner une bonne leçon à son meilleur ami/ennemi. C'est donc fou de rage qu'il réunit à nouveau son groupe (sans le batteur Micky Waller qui est remplacé ici par Tony Newman) et entre en studio pour enregistrer le successeur de Truth, capable de concurrencer Led Zeppelin sur son propre terrain. Ce qui donnera Beck-Ola, deuxième album du groupe illustré par La Chambre d'écoute de Magritte et qui paraît en juin 1969. Une sorte de réponse du berger à bergère. Mais Beck-Ola parvient-il à être aussi puissant et jouissif que le premier Led Zeppelin?

 

C'est une reprise du King, All Shook Up qui ouvre les hostilités. Pourtant le morceau est totalement méconnaissable ici, tant il est violent et abrasif. Sur Beck-Ola, le Jeff Beck Group devait sortir les muscles. Promesse tenue, tant le son de guitare est violent, sale et saturé. Beck, grand technicien devant l'éternel, se lâche complètement ici avec un son saturé et lourd qui pourrait presque faire rougir les Sonics. Le groove apporté par le piano d'Hopkins et la frappe de Newman permet aussi à Beck de nous livrer des solis fulgurants. Mais la plus grand surprise à mon goût vient du chant éraillé et extrêmement puissant de Rod Stewart. On est loin de son chant délicat qu'il avait sur Truth. Robert Plant est passé par là. Mais ma foi, Rod est convaincant dans ce domaine. A des années lumières de Plant, mais efficace quand même sur cette reprise d'Elvis. D'ailleurs l'album compte aussi une autre reprise du King : Jailhouse Rock. Celle-ci est nerveuse et puissante (comme tout l'album), mais on y retrouve la structure de la chanson originale, notamment grâce au piano très rock n'roll de Nicky Hopkins et grâce au chant moins éraillé de Stewart. Un excellent titre, même s'il est plus conventionnel qu'All Shook Up.

 

Pour le reste, Beck-Ola est composé de cinq compositions originales qui sont dans ce même ton, nerveux et puissant. La seule exception est le délicat Mill Valley, morceau instrumental au piano signé Nicky Hopkins. C'est la seule chanson douce et calme de l'album, proposant une ambiance feutrée et léchée entièrement menée par un superbe piano. Un petit régal, comme j'aurais peut-être aimé en trouver un autre sur l'album (pour contraster avec l'énergie du reste). Car les quatre autres compositions sont brutes de décoffrage, abruptes et musclées. Plynth (Water Down the Drain) est un titre qui n'a par exemple rien à envier à Deep Purple, tant le riff est lourd, le jeu de cymbales de Newman énergique et tant les solis sont précis et inventifs. La seule chose qui fait (un peu) la différence par rapport à un morceau de Deep Purple par exemple, c'est le piano plein de groove d'Hopkins, décidément un des pianistes les plus importants de l'histoire du rock. De quoi nous abreuver avec délice de ce hard-blues de (très) grande qualité, complété aussi par les imposants Spanish Boots et The Hangman's Knee, avant-dernier morceau de la galette qui va chasser Led Zeppelin directement sur son terrain.

 

Mais le meilleur, Beck l'a gardé pour la fin avec le long Rice Pudding qui est mon titre préféré de l'album. Ici chaque musicien montre l'étendue de son talent (même Ron Wood à la basse) et le morceau vire à une jam blues-hard inventive et surpuissante. Mais sans oublier la délicatesse lorsque vers 3min30 le piano d'Hopkins s'associe avec un Beck soudainement apaisé et délicat. La puissance sans oublier la finesse, l'énergie, mais avec le feeling... Jeff montre ainsi à Page et à Hendrix qu'ils ne sont pas les seuls à savoir maitriser les contrastes à la perfection. Message entendu d'ailleurs, puisque le voodoo chile reprendra un des riffs de Rice Pudding dans In From The Storm. Du berger à la bergère...

 

Avec Beck-Ola, l'ex-guitariste des Yardbirds montre qu'il peut être (presque) au niveau de ses concurrents de l'époque, qu'ils soient issus des Yardbirds (Clapton chez Cream ou Page avec Led Zeppelin), ou venus d'outre atlantique (Hendrix, déjà à son sommet en 1969). Car si Truth avait vite vieilli, Beck-Ola garde aujourd'hui encore une bonne partie de son impact et de son efficacité. Beck était très en colère, et Beck-Ola en est un fruit absolument délicieux, même si trop court (l'album original ne fait que 30 minutes, et la réédition n'apporte réellement que Sweet Little Angel, une reprise de B.B. King comme titre intéressant). Malheureusement, le Jeff Beck Group ne survivra pas à cet album, miné par les conflits d'égos (Rod Stewart et Ron Wood vont quitter le groupe juste après cet album pour rejoindre les Faces), et par une poisse à peine croyable (prévu à l'origine pour aller à Woodstock, le groupe a dû annuler sa venue). Tout comme quelque part, il ne survivra pas à la parution de Led Zeppelin - Led Zeppelin II (1969), quelques mois plus tard. Réponse de la bergère au berger... Reste un classique de son époque, témoignage d'un climat musical impressionnant et d'un groupe qui quelque part, avait quand même beaucoup de génie(s). Peut-être même trop.

 

16/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.   

Partager cet article
Repost0

commentaires

J
Ouh là! Cà fait un bout de temps que je n'ai pas écouté cet album! Merci de tes passages sur mon blog et bravo pour ta bonne réponse! Comme tu dis, le waterphone est vraiment un instrument très<br /> surprenant que je ne connaissais pas jusqu'alors. Comme quoi, mon petit jeu m'instruit, moi aussi!
Répondre

Présentation

  • : Rock'N'Blog
  • : Blog de chroniques Pop-rock, albums et concerts. Le blog a été tenu à plusieurs mains entre 2008 et 2014, puis repris en 2019 après 5 ans d'absence. Les chroniques seront à partir de 2019 hébergées ici et sur le site de la boite de nuit Pop-Rock Les 3 Orfèvres, située à Tours (37) dont je suis désormais le DJ. Si vous voulez suivre le blog sur Facebook pour vous tenir au courant des dernières nouveautés : http://www.facebook.com/home.php?#!/pages/Rock-n-blog/203862439693573 Et pour la boite de nuit Les 3 Orfèvres : https://www.facebook.com/les3orfevresdiscotheque/?epa=SEARCH_BOX Bonne visite à toutes et à tous ! Moi-même.
  • Contact

Recherche