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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 13:24

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/1/14/On_the_Beach_-_Neil_Young.jpg

 

Tracks : Walk On ; See The Sky About To Rain ; Revolution Blues ; For The Turnstiles ; Vampire Blues ; On The Beach ; Motion Pictures (For Carrie) ; Ambulance Blues

 

L'homme est seul. Debout face à la mer. Dans sa bouche le gout du miel, de la marijuana et l'arrière gout de la tequila se mélangent à l'air marin. Pieds nus, il sent le sable frais sous ses orteils. La mer reflue. Ouvrant un nouveau champ de possibilités immense. Mais dévoilant aussi peu à peu le morne paysage des marées basses. L'homme y voit un reflet à son propre état d'esprit. Il faut dire qu'en deux ans, tout a changé pour Neil Young. Propulsé au rang de superstar en 1972 par le succès inattendu de Neil Young - Harvest (1972) et ses tournées avec Crosby, Stills and Nash, la roue a rapidement tournée. Danny Withen, guitariste de Crazy Horse n'est plus. Overdose d'héroïne. Bruce Berry, roadie et ami de Neil n'est plus. Overdose d'héroïne. Young lui-même ne dit pas non à la cocaïne et l'alcool. Ses crises d'épilepsie sont toujours aussi fortes. Pour noircir encore le trait, son mariage avec l'actrice Carrie Snodgress est en train de définitivement prendre l'eau, et leur fils Zeke souffre d'un handicap mental. Paysage noir, vent glacial. Sur cette plage, Neil trouve le paysage adéquat pour représenter sa dépression. Cependant, le Loner va un peu mieux. Le terriblement noir et dépressif Neil Young - Tonight's The Night (1975), qui dort dans les cartons de sa maison de disques lui a peut-être permis d'exorciser un peu ses démons. Après la nuit, la lumière grise blafarde du matin vient. C'est dans cet état d'esprit que Neil s'enferme en studio en 1974 pour enregistrer son 5ème album studio (en fait 6ème puisque Tonight's The Night date de 1973 mais ne sera publié qu'en 1975), intitulé On The Beach. De quoi permettre au Loner d'exorciser définitivement ses démons qui le poursuivent depuis Harvest?

 

Walk On ouvre le bal avec une insouciance et une certaine forme d'énergie qu'on n'avait pas entendues chez Young depuis Harvest. Le rythme blues est enjoué, malgré la férocité du texte qui évoque un passé heureux (probablement la fin des sixties), mais qui invite à avancer coute que coute. Quitte à partir de ce très joli et ensoleillé morceau jusqu'à l'engourdissement dépressif de See The Sky About To Rain... C'est en effet ici que commence réellement notre voyage tout au long de cette plage grise et ténébreuse. Le piano pourrait provenir d'After The Gold Rush, mais ses notes se diluent dans le ciel gris, s'éparpillent et laissent une impression étrange... Toute la production du disque, extrêmement bizarre donne ce charme éthéré et engourdi aux chansons. Elles semblent se perdre et se diluer dans ce ciel gris, portées par le vent. En gardant toute leur poésie... Et See The Sky About To Rain nous emmène tristement au milieu des nuages. Ce n'est pas un des titres les plus fulgurants de l'album, mais son charme vénéneux est quand même très plaisant.

 

Revolution Blues vient cependant resserrer le propos. Les sixties et les jours heureux sont finis. Et pour ça, Neil invoque le grand épouvantail de l'Amérique dans ce court récit halluciné aux relents blues. Revolution Blues raconte en effet l'odyssée meurtrière de Charles Manson et de sa Family de dégénérés, que Young a plus ou moins connu (comme beaucoup de rock stars californiennes à la fin des années 60 comme les Beach Boys). « Well, I hear that Laurel Canyon/is full of famous stars/But I hate them worse than lepers/and I'll kill them/in their cars ». Le rêve est fini. Les jours heureux sont loin. Reste Neil, corrosif, noir, magistral dans ce blues épique et surpuissant. Sa voix se fait acide et se perd dans ce blues magistral, violent et épique, dont on regrette finalement qu'il ne soit pas plus long (4min02).

 

Après un sommet d'une telle profondeur, For The Turnstiles et Vampire Blues paraissent forcément inférieures. Ces deux chansons ne sont en effet pas à la hauteur de certains des chefs d'œuvres qu'on peut trouver sur l'album. For The Turnstiles est la chanson qui renvoie peut-être le plus à Tonight's The Night avec son banjo très country et le chant déchiré et déchirant de Neil Young qui sent la tequila à plein nez. Néanmoins si le chant est sur le fil, l'ambiance champêtre de la musique est plutôt reposante, ce qui crée une ambivalence étrange au sein du morceau, qui lui nuit peut-être un peu. Vampire Blues est quant à lui un blues (logique vu le titre) assez réussi, mais finalement assez anodin par rapport au reste des morceaux, notamment ceux de la face B.

 

Car ces deux titres sont en effet relégués au second rang par la magnifique chanson éponyme, On The Beach qui lance la face B. Longue rêverie blues où la basse mène la danse de façon lancinante et où la guitare électrique est à l'honneur (superbe solo vers 2min45), cette chanson est un des plus beaux morceaux de la galette (avec Revolution Blues et Ambulance Blues). Un des plus beaux et émouvants de toute la carrière de Neil Young aussi. On en regrette presque que le Loner n'ait pas plus souvent touché au blues durant sa carrière tant les blues qui émaillent On The Beach sont beaux et singuliers.

 

Motion Pictures (For Carrie) lui permet ensuite dans une ambiance irréelle et vaporeuse d'évoquer la fin de sa relation avec sa femme, Carrie Snodgress. Rien de cynique et amer comme le Idiot Wing de Dylan la même année. Juste du regret, une steel guitare éthérée qui intervient ponctuellement, une guitare acoustique, quelques percussions et un déchirant solo d'harmonica suffisent à rendre ce titre merveilleusement désabusé.

 

On conclut avec le plus beau morceau de l'album, une des (nombreuses) pépites de la carrière du Loner : Ambulance Blues. Cette longue rêverie finale (8min56) conclu magnifiquement le disque, et la « Trilogie du fossé » composée du live Time Fades Away, Tonight's The Night et On The Beach. Après ces trois disques Neil Young ne sera plus jamais vraiment le même... Et Ambulance Blues est un adieu absolument sublime à cette dépression, avec cette lenteur engourdie caractéristique, la mélancolie de la voix de Neil (qui chante d'un ton plus grave que d'habitude), et surtout grâce aux interventions d'un tambourin et du violon qui donnent une ambiance lancinante et onirique. Cette balade hallucinée où Neil règle ses comptes avec les critiques musicaux « So all you critics sit alone/You're no better than me/for what you've shown. » est un pur joyau, lancinant, triste mais incroyablement beau. Une quasi pub pour la défonce et la dépression.

 

Autant dire que la face B d'On The Beach est une des plus ténébreuses et magnifiques qui soient. La magie (noire) qui s'en dégage a été assez rarement égalée. Même par Neil Young lui-même. Même si On The Beach reste moins ténébreux que Tonight's The Night (difficile de faire plus drogué et sombre), l'album est noir. Mais apaisé. Et c'est de là que vient toute sa beauté. L'album capte à merveille ce moment de sortie de déprime où Neil était au sommet de son talent et commençait à voir le bout du tunnel. Revolution Blues, On The Beach et Ambulance Blues (et dans une moindre mesure Walk On) sont des morceaux qui sont parmi les meilleurs de sa discographie. Le reste des morceaux est au minimum très bon. Il a plusieurs fois touché le génie au cours de sa carrière avec ou sans Crazy Horse (After The Gold Rush ; Everybody Knows This Is Nowhere ; Ragged Glory ; Rust Never Sleeps), mais rarement avec une telle tristesse et une telle sincérité.

 

17/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.

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commentaires

J
Bonsoir Rock-n-blog! Très bon album, assez mélancolique. "Ambulance Blues" est effectivement une pure merveille! J'aime particulièrement les moments où l'harmonica intervient; ce qui renforce<br /> l'émotion qui s'en dégage!
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