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28 septembre 2011 3 28 /09 /septembre /2011 22:00

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/4/40/Jb-the-payback.jpg

 

Tracks : The Payback ; Doing The Best I Can ; Take Some... Leave Some ; Shoot Your Shot ; Forever Suffering ; Time Is Running Out Fast ; Stone To The Bone ; Mind Power

 

En 1973, James Brown se trouve dans une situation assez paradoxale. Le funk, musique dont il est un des pères fondateurs (si ce n'est le père fondateur, en tout cas le plus connu) triomphe partout. La poignée de singles qu'il a enregistré dans la fin années 60, tout début 70, notamment Get Up (I Feel Like Being A) Sex Machine ou Take It Loud - I'm Black & I'm Proud ont ouvert les portes à de nouveaux horizons et à de nouveaux musiciens. Et c'est bien là le paradoxe dans lequel se trouve James Brown. Car partout autour de lui, le mouvement de la musique noire est en marche et son funk est vite dépassé de tous les cotés par d'autres musiciens. Il se mêle au jazz (Miles Davis, Herbie Hancock), devient psychédélique et triomphe à Woodstock (Sly & The Family Stone) et permet à des groupes des 60's d'opérer des mutations spectaculaires et bénéfiques (les Temptations et leurs albums Cloud Nine et All Directions avec notamment l'énorme Papa Was A Rolling Stone). Pire encore pour James, ses propres anciens collaborateurs triomphent en jouant du funk, comme le bassiste Bootsy Collins qui jouait avec lui sur Get Up (Sex Machine), Talkin' Loud And Sayin' Nothing ou encore Soul Power. Ce dernier n'est resté que 11 mois dans les J.B.'s (il aurait été viré à cause de la tyrannie de James Brown), mais a participé à définir le rôle et l'image du bassiste de funk, au même titre que Larry Graham par exemple. Il a rejoint Parliament et Funkadelic de Georges Clinton. Au même moment, le cinéma de Blaxploitation est en plein essor et chacun y va de sa B.O., la plus célèbre étant probablement celle de Shaft d'Isaac Hayes. C'est dans ce contexte que James propose en 1973 deux B.O. La première est Black Caesar qui accompagnât le film du même nom. La seconde est The Payback qui devait être la B.O. d'Hell Up In Harlem. Cependant le réalisateur Larry Cohen la refusât. « Pas assez funky ». Un comble. L'album (double) sortira quand même en 1973. De quoi se faire une idée : James Brown était-il encore un des maitres du funk?

 

« Pas assez funky » dirent les producteurs d'Hell Up In Harlem à James Brown... Pourtant à l'écoute du titre éponyme d'ouverture, on ne comprend pas. The Payback démarre sur des bases funk absolument dantesques. Toutefois, il est vrai que ce n'est pas le funk auquel on peut s'attendre. Nous sommes très loin du charme psychédélique de Parliament, Funkadelic ou Sly & The Family Stone, sauf peut-être de Sly & The Family Stone - There's A Riot Goin' On (1971) . Durant l'enregistrement de cet album, James a perdu son fils Teddy dans un accident de voiture. Un événement qui plonge l'explosif Mr. Dynamite dans la dépression et la drogue. Mais là où ces concurrents funk font de leur univers drogué un kaléidoscope d'utopies et de couleurs, la drogue apporte ici une dimension sombre, roots. Comme un venin pernicieux qui avait déjà créé There's A Riot Goin' On quelques années auparavant. A l'image de cette drogue poisseuse, c'est le groove monumental de ce long et trippant morceau d'ouverture qu'on retient. Certes James est en forme vocalement. Ses cris et son chant sont plus surs que jamais. Mais c'est surtout la prestation de ses musiciens, de la section rythmique, des cuivres et de la guitare qui emmène ce dantesque The Payback d'ouverture dans une longue transe répétitive mais phénoménale. 7 Min 40 implacables durant lesquelles la pression monte lentement mais surement au son de ce groove surpuissant et de ce son à la fois lisse et maitrisé tout en nous conduisant au bord de la transe...

 

Et cette transe s'étale sur tout l'album. 8 morceaux, 72min52. Autant dire que les morceaux de The Payback, à l'image du morceau titre, sont tous longs. Longs et suffocants de ce rythme primordial. Le plus court, Forever Suffering fait 5 Min 39 et c'est le seul morceau de la galette à faire moins de 7 minutes. C'est aussi un des deux morceaux soul de l'album (l'autre étant Doing The Best I Can). Les autres morceaux, longs, trippants et répétitifs ont besoin d'être longs pour nous emmener là où James et ses musiciens veulent nous guider, dans le territoire du pur funk, loin des excentricités psychédéliques. Là où seul le rythme, le message et l'âme comptent. Même lorsque la machine infernale se calme l'espace d'un instant, c'est pour donner des merveilles comme Doing The Best I Can où la beauté de la voix de James (peut-être sa meilleure performance vocale de l'album) alliée aux chœurs féminins et au velours des instruments donnent assurément un des meilleurs morceaux de l'album. Même en plein cœur de ce manifeste funk de référence, James -le chouchou de ces dames- n'oublie pas de montrer sa douceur. Et cette douceur fait ici des merveilles, coincée entre The Payback et le tout aussi infernal Take Some... Leave Some. Forever Suffering, même si je la trouve légèrement inférieure montre elle aussi la facette implorante de James sur une guitare toute en retenue et en délicatesse et un rythme qui n'a rien de funk... Les chœurs féminins répétant « Suffering » à l'infini ne font qu'ajouter à la dimension tragique du morceau, qui ressemblerait presque plus à un étrange blues (la guitare est à l'honneur) qu'au funk qu'on connait de Mr. Dynamite.

 

Mais le reste du temps les morceaux sont implacables de moiteur (comme celle du sud des Etats-Unis que m'évoque la pochette) et de puissance. Et encore, on sent que cette puissance est en partie retenue, contrairement aux lives du maitre qui sont de pures bombes. Ces longues jams cycliques, répétitives et monotones sont toutes des pépites alliant les cuivres du jazz (fidèles Fred Wesley et Maceo Parker, qui jouât aussi avec Miles Davis), la puissance d'une rythmique parfaitement calée et un son indéniablement prenant. Comme une longue transe assez peu psychédélique finalement, mais tout aussi prenante et dont le point d'orgue est le terrifiant et fabuleux trio final Time Is Running Out Fast ; Stone To The Bone et Mind Power. A eux 3, ces trois morceaux font plus de 35 minutes et suffiraient à faire un album. A eux trois, ces trois morceaux sont tellement prenants, tellement funky qu'ils suffiraient à faire la légende d'un homme. Mais pas celle de James Brown, qui en a vu et fait bien d'autres...

 

Et pourtant The Payback, même s'il ne contient pas les titres les plus fameux du Godfather Of Funk (à part le morceau titre) est un des sommets de sa carrière. Peut-être même le sommet de sa carrière. Non pas qu'il contienne les meilleures chansons de Mr. Dynamite (qui sont un peu dispersées sur plusieurs époques), mais en tant qu'album pensé en tant que tel, il est bluffant. Bluffant par son ambiance noire (dans tous les sens du terme) et sa maitrise. Bluffant car rares sont les doubles albums à être aussi passionnant en aussi peu de morceaux. Du début à la fin, pas de fausse note. La seule (très) légère baisse de régime à mes yeux est Shoot Your Shot qui voit défiler des soli d'orgue et de cuivres de manière légèrement désordonnée. Mais ce n'est pas suffisant pour entacher la brillance de ce joyau noir qu'est The Payback. Un titre qu'on pourrait traduire par « le remboursement ». Une chose est sure. Avec cet album, James nous en a donné pour notre argent et a définitivement ancré sa place au sein du funk du début des années 70.

 

18/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même. 
 

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