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5 février 2012 7 05 /02 /février /2012 11:11

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Setlist The Paper Plane : Instrumental Jam ; Neverland ; She's Like ; Look At Me ; Hysteria ; When you Swing ; High & Oversexual ; I'll Make You Fall ; Words ; Edgar's Will ; (Rappel) Take It Easy

 

Setlist The Radiophones : Hurricane ; Raindrops ; How Does It Feel ; Losing Control ; (Untitled) ; Settle Down ; Another Day ; Part Time Loser ; Don't Start Today Tomorrow ; Miss You ; Travel The World ; Devil Inside ; (Rappel) Hurricane

 

Pour les non tourangeaux, autant dire tout de suite que Rouziers est en réalité un petit village situé à une quinzaine de kilomètres de Tours. C'est dans ce village que se situe la très belle salle de spectacles « Les quatre vents ». C'est ici que nous avions rendez-vous samedi soir. Car c'est là que les Paper Plane et les Radiophones, groupes émergents de la scène tourangelle, nous attendaient ce 4 février. L'un est pop (The Radiophones), l'autre rock (The Paper Plane). Rolling Stones contre Beatles? C'est un peu ça, à notre échelle bien sur. Et comme pour leurs glorieux ancêtres, l'opposition est purement fictive. Invention de «critiques» dans mon genre. Les deux groupes sont amis. Une amitié qui dure depuis plusieurs années d'ailleurs. C'est donc ensemble qu'ils nous avaient invités à Rouziers pour assister un concert qui se démarquait déjà par la beauté de la salle. Il est en effet assez rare de voir des groupes locaux dans un si beau cadre. Cela change des pubs et bars de la ville. Et rien que pour ça, ça valait le coup de braver le froid et les départementales hasardeuses du nord de l'Indre et Loire.

 

C'est aux Paper Plane qu'il est revenu d'ouvrir le bal. Une sorte d'accord amiable entre les deux groupes qui permuteront lors de leur prochain set ensemble. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu le groupe sur scène (2010), même si leur année 2011 a été très chargée avec une livraison d'excellents nouveaux morceaux. Après une jam instrumentale nerveuse et efficace, le groupe enchaine justement avec une poignée de ces nouveaux morceaux. L'excellent Neverland (une de leur meilleurs compositions à ce jour), le stonien She's Like (dont le son de guitare rappelle The Rolling Stones - Sticky Fingers (1971)), ou le salace et rentre dedans When You Swing au refrain particulièrement percutant nous renvoient d'emblée vers les plus grandes heures du rock. Mais nous sommes en 2012, du coté de Tours. L'affaire est oubliée grâce à ces quatre là qui bénéficient en plus ce soir d'un très bon son. Quel plaisir d'entendre correctement la section rythmique formée par Vince (le bassiste) et Arnaud (le batteur)! Quel plaisir de pouvoir entendre la densité rythmique du final de Look At Me (un de mes morceaux préférés du groupe) ou de l'effréné single (à paraître) Take A Look Away! Malgré quelques flottements dus à des soucis de setlist difficilement lisible, le groupe fait mouche avec chacun des nouveaux morceaux. Il se permet même de ralentir la cadence pour un slow atypique, High & Oversexual. Peut-être un de leurs morceaux les plus étonnants, mais finalement un des plus attachants aussi... A mi-chemin entre la ballade traditionnelle et la beauté lancinante de Sunday Morning du Velvet Underground, High & Oversexual montre un nouveau visage des Paper Plane, tout aussi séduisant que les morceaux précédents. D'ailleurs High & Oversexual marque un tournant dans le concert, composé jusque là de nouveaux morceaux parus seulement sur Noomiz, car le groupe finit le concert avec des morceaux provenant uniquement de son premier album (The Paper Plane - The Paper Plane (2010)). Vieux morceaux, certes. Mais pas obsolètes pour autant. Il fallait entendre le groupe se déchainer sur les longs Words et Edgar's Will, littéralement explosifs sous les soli de Thibault et les martèlement d'Arnaud derrière les futs. Le groupe les joue toujours avec un plaisir non feint. On les entend toujours avec un plaisir non feint. Le show se confluera en rappel par Take It Easy, vite expédiée, mais toujours efficace grâce à son refrain fédérateur.

 

Pour écouter leurs nouvelles (excellentes) compositions et quelques anciennes, c'est ici : link

Le temps d'une cigarette ou d'une bière (courageux/suicidaires fumeurs par un tel froid), et ce sont les Radiophones qui prennent le relai dans une salle acquise à leur cause par l'ouverture des Paper Plane. Le set est l'occasion pour le guitariste Paulo d'inaugurer son nouveau jeu de pédales d'effet, et l'occasion pour moi de voir les Radiophones dans leur nouvelle formation avec un bon son. Et le moins que je puisse dire, c'est que le groupe est particulièrement en forme. Depuis que je les suis (ça doit remonter vers 2009), il est évident que le groupe progresse. Mais ce soir, ils semblaient avoir franchis un nouveau seuil. Lorsque je les avais vu la dernière fois, les conditions étaient médiocres (mauvais son, chanteur à moitié malade). Cette fois les conditions sont impeccables, et les nouveaux choix artistiques du groupe (l'inclusion d'un clavier, la multiplication des effets de guitares) ne met que plus en avant la qualité des nouvelles compositions. Car réellement le set est impeccable de bout en bout, de cet Hurricane dévastateur d'introduction (qui sert aussi de rappel, même si j'aurai préféré un autre titre non joué), en passant par les aériens Another Day ou les musclés Devil Inside (dernière chanson révélée par le groupe, qui fait office de décharge d'adrénaline en live) ou ma petite préférée How Does It Feel et son attaque de guitares rappelant les grands moments des Strokes. Le concert est d'autant plus dynamisé par une impeccable prestation du batteur Romain, puissant et particulièrement à son aise pour mener les débats... Ce qui permet au reste du groupe de parfaitement se caler. Le nouveau jeu de pédales d'effets pour la guitare soliste a d'ailleurs fait ses preuves et l'inclusion du clavier sur laquelle j'étais un peu perplexe initialement (ne sachant trop quoi en penser) se révèle comme une très bonne idée. Un groupe élégant parfaitement à son aise donc, qui nous gratifie de deux nouveaux morceaux (je vais d'ailleurs vous en faire partager un en fin d'article), et même d'une jolie reprise de Miss You des Stones qui permet au bassiste d'être à l'honneur... Alors comme ça même les amateurs de pop se mettent aux Stones? Où va-t-on ma pauvre dame?

A découvrir ici : link

Ce qui est certain en tout cas, c'est qu'aller à un concert des Paper Plane et des Radiophones, c'est aller à un excellent concert, tant les deux groupes, pourtant différents l'un de l'autre, savent créer une alchimie ensemble et séparément. A découvrir de toute urgence donc en studio comme en live. D'ailleurs pour les tourangeaux, les deux groupes jouent au pub Le Pale le 18 février prochain.

Moi-même.

 

Comme promis l'inédite des Radiophones :

 


 
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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 18:42

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“Play it loud”. Depuis ce concert annulé d'Alençon, The Jim Jones Revue et moi avions un compte en suspens. Ma virée avec mes 3 compagnons d'infortune ([Concert] The Jim Jones Revue Alençon 05/10/11) en terres normandes avait virée au fiasco lorsque le groupe avait été obligé d'annuler son concert parce qu'il jouait trop fort. Le genre d'excuse plutôt difficile à avaler. Un match retour s'imposait donc. Lorsque j'ai vu que le groupe revenait à Orléans le 2 février, j'ai donc vu le moyen de pouvoir régler mes comptes avec la réputation scénique prestigieuse de Jim Jones Revue. La (dream) team vaincue à Alençon, réunie à nouveau (à un membre près), nous voilà à l'assaut de l'Astrolabe d'Orléans. Bien décidés à prendre une sacré ration de rock n roll. Thermomètre bloqué à -7°, revanche d'Alençon... Il fallait vraiment que The Jim Jones Revue brûle tout sur son passage pour nous convaincre hier soir.

 

C'est The Feeling Of Love, trio venu de Metz qui était chargé de réchauffer l'ambiance. Postulat de base difficile vu la température qui régnait sur Orléans. Mission qui pour moi, a d'ailleurs été un échec. Le trio, composé d'un guitariste/chanteur, un batteur et un synthé, joue un blues-rock garage très années 2000 (White Stripes ; Black Keys ; Kills), mais mélangé aux sonorités eighties du synthétiseur pour donner des morceaux longs et très répétitifs. Le postulat de base aurait pu être intéressant... Mais m'a très vite déplu. Je ne suis déjà pas de base un fan de rock garage. Et je déteste en général le son du synthé. Ce qui n'a pas loupé de me souler ici. Cet instrument vampirisait en plus considérablement le spectre sonore hier soir. Et les sonorités m'étaient particulièrement désagréables (beaucoup de jeu sur les infrabasses). De même le jeu de guitariste, probablement volontairement répétitif (et enterré dans le son) ne m'a pas plus emballé. La puissance de frappe du batteur était certes impressionnante, mais ce n'était pas suffisant pour me convaincre. Le coté transe répétitive, l'absence de jeu de scène et le synthé ne m'ont pas convaincu. Avis partagé par un autre de mes compagnons de voiture. Par contre, les deux autres ont aimé. Je pense qu'il fallait rentrer dedans. Je ne suis pas rentré dedans, dommage.

 

Pour les découvrir c'est ici : link

Le temps d'une bière réglementaire, et la lumière s'éteint. L'heure du verdict. Le groupe arrive. Soudé. Remonté à bloc. Pas de chichis, pas de présentations. Mais d'entrée de jeu, du son. Du très gros son. A un volume tout à fait convenable d'ailleurs (voire même confortable). L'agression sonore n'était pas pour ce soir? Pas si sur. Car en l'espace de deux morceaux (Rock N'roll Psychosis ouvrant le feu dans mon souvenir), la cohésion et la puissance du groupe a raison de nous. Le show sera ardent, voire brulant. « Rock n'roll will never die » chantait Neil Young en 1977. Promesse tenue en 2012 par The Jim Jones Revue. Les musiciens (tous la quarantaine), semblent issus des années 50. Look à la Little Richard pour le pianiste Henri Herbert, banane à la Elvis pour le guitariste Ruppert Orton, look d'un membre des Cramps pour Nick Jones à la batterie... L'attirail est là. Mais le plus impressionnant, c'est probablement Jim Jones lui-même. D'emblée sa voix se fait rauque, puissante et déchirée comme en studio. Pas d'échauffement, rien. Engagement total. On ne fait pas de préliminaires chez ces gens là. Et pourtant sa voix sait aussi se faire suave lors des moments les plus sexuels. Car le son de Jim Jones se nourrit dans la même ambivalence qui faisait le charme des Cramps 30 ans plus tôt. La puissance du rock n'roll originel (mélangée avec la violence du son garage des Sonics), sans oublier sa connotation sexuelle. Dans la plus pure tradition des plus grand frontmen du rock d'ailleurs (Elvis, Iggy Pop, Mick Jagger). J'ai rarement vu un leader aussi charismatique que lui. Voix et jeu de guitare impeccables, mouvements lascifs, invectives au public (say yeah!), jeu avec les filles du premier rang... En quelques morceaux incendiaires l'affaire est pliée. C'est d'ailleurs le morceau Burning Your House Down joué en 3 ou 4ème position qui achève définitivement de mettre le feu aux poudres. La tension ne se relâchera plus, et le public orléanais restera bouillant jusque la fin (ce qui mérite d'être salué, on voit rarement ces choses là en France).

Il faut dire que le groupe ne ménage pas ses efforts et que les chansons sont encore plus implacables en live qu'en studio. Shoot First, Elemental (que Jim Jones fait scander au public), Rock n'roll Psychosis sont des brulots ardents. Le groupe décide d'ailleurs de surprendre le public ce soir, et joue 7 nouvelles chansons issues du nouvel album à sortir. Privilège rare, même si bien sur il est difficile de se faire un avis très tranché sur ces nouveaux morceaux... Dans l'ensemble ils ont l'air très surprenants, avec un tempo plus ralenti que ceux issus des albums précédents, tout en ayant une puissance et une lourdeur impressionnante. Comme dit Thibault des Paper Plane qui m'accompagnait « ça joue moins violemment, mais chaque coup de grosse caisse te scotche ». La voix et le charisme de Jim Jones font le reste. Sur scène les nouveaux morceaux tranchent un peu, mais ne font pas retomber la température pour autant.

Trop vite, la lumière s'éteint. Fin du show? C'est sans compter sur la générosité du groupe. Car forcément, rappel il y a. Mais pas d'un ou deux morceaux non. Le groupe repart pour quatre ou cinq morceaux en entamant avec un Hey Hey Hey Hey piqué chez Little Richard absolument monumental. Le pianiste est à la hauteur du look qu'il arbore. Le groupe jouera d'ailleurs une autre reprise lors de ce premier rappel, en interprétant une chanson de Jeffery Lee Pierce en solo. Chanson que l'ancien leader du Gun Club n'avait d'ailleurs jamais enregistré sur aucun album (le groupe l'a trouvé sur une démo). C'est dire la passion qui anime ses gens... Et il y avait de la passion et de l'amour mélangés à la sueur lors de ce concert. Lorsque le groupe quitte à nouveau la scène, on se dit qu'un titre manque à l'appel. Deuxième rappel. Princess & The Frog. Il était inimaginable que le groupe quitte Orléans sans jouer ce titre. Chose faite. Jim Jones nous demande de tout donner. Contrat conclu. Le groupe et le public donnent tout sur ce missile surchauffé à blanc qu'est Princess & The Frog. De quoi définitivement nous lessiver...

Fin de la grand messe. La lumière est rallumée. Les oreilles ne sifflent même pas, mais les corps sont fatigués. De cette saine fatigue qui dit « Putain mec on s'est bien éclaté ». Phrase qui pourrait tout résumer d'ailleurs. Mais le groupe vient ensuite à la rencontre de ses fans, le temps de faire des photos, de signer des autographes (l'occasion pour moi de faire signer mon deuxième vinyle du groupe) et de discuter un peu. Ces bad boys prêts à tout détruire 10 minutes plus tôt se révèlent des gens délicieux et adorables avec leur public. Il s'excusent encore quand on leur dit qu'on était au concert annulé d'Alençon. Le batteur nous reconnaît même... On lui dit qu'on sait que ce n'est pas de leur faute, et que le concert de ce soir pardonne tout. Le rock dans tout ce qu'il a de plus beau.

-7° degrés au thermomètre à la sortie sur Orléans. Mais on s'en fout. On a vu Jim Jones Revue. Et rien que ça, ça vous réchauffe pour un sacré bout de temps. Alors s'ils passent prêt de chez vous, même s'il neige, foncez y. On ne vous garantie pas la facture d'électricité par contre.

Moi-même.

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 20:30

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Tracks : Hot Stuff ; Hand Of Fate ; Cherry Oh Baby; Memory Motel ; Hey Negrita ; Melody ; Fool To Cry ; Crazy Mama

 

En 1975, les Stones vont mal. Très mal même. Le groupe, qui 3 ans plus tôt était à son sommet et considéré comme le groupe le plus dangereux du monde n'est plus que l'ombre de lui-même. Les deux albums précédents (Goats Head Soup et The Rolling Stones - It's Only Rock 'n' Roll (1974)), même s'ils sont (très) bons, semblent juste honnêtes à coté des chefs d'œuvres de la période 68-72. Pire encore, Mick Taylor le guitariste prodige incorporé en 1969 pour remplacer Brian Jones décide de claquer la porte. Les raisons en sont floues, encore aujourd'hui. L'histoire dit qu'il était insatisfait du manque de reconnaissance de ses talents de composition, que le duo Jagger/Richards pillait allégrement et créditait à son nom. L'histoire dit aussi qu'étant accro à l'héroïne, il valait peut-être mieux pour lui s'éloigner du grand cirque orgiaque qu'était les Rolling Stones à l'époque. La décision lui a peut-être sauvé la vie, mais a couté cher au groupe. D'autant plus que Mick Taylor n'était pas le seul accro à l'héroïne du groupe. Cette poudre blanche, Keith la connait bien lui aussi. Trop bien d'ailleurs. Il est plongé dedans depuis la fin des années 60. Il ne la lâchera que vers la fin de la décennie. C'est cette poudre qui le plonge dans un état second permanent, et qui lui a ôté son ami Gram Parsons, décédé deux ans plus tôt. Le rêve opiacé d'Exile On Main Street est donc terminé et c'est Mick Jagger qui est obligé de prendre en main les Stones. La première mission est de trouver un nouveau guitariste. Trois candidats se succèdent : Harvey Mandel (ex Canned Heat), Wayne Perkins (qui a travaillé avec Bob Marley et les Wailers)et Ronnie Wood. Finalement, c'est ce dernier, ancien guitariste des Faces et bassiste du Jeff Beck Group ( The Jeff Beck Group - Beck-Ola (1969) ) qui est choisi. Plus pour son coté rock n'roll et sa forte amitié avec Keith Richards que pour ses talents de guitaristes diront les mauvaises langues. Armé de ce nouveau renfort, les Rolling Stones retournent donc à Munich (l'Allemagne étant un des derniers endroit où Keith n'est pas interdit de séjour) pour enregistrer le successeur d'It's Only Rock N'Roll. Prévu initialement pour l'été 75, l'album paru finalement en avril 1976 sous le titre de Black And Blue. Premier album des Stones avec Ron Wood (qui est toujours là), Black And Blue permet-t-il de relancer le plus grand groupe de rock du monde vers les sommets qu'il avait atteint quelques années auparavant?

Si It's Only Rock N'Roll prétendait crânement n'être que du rock n'roll, Black and Blue en est finalement un peu l'opposé. Alors que les Stones semblent s'affaiblir de mois en mois, Mick Jagger et les siens décident de faire un choix radical. Revenir au blues (le Blue du titre), et s'ouvrir aux autres musiques noires (le black, qui peut aussi concerner le blues). Depuis quelques années déjà, Mick et Keith se sont pris d'affection pour la Jamaïque et pour le reggae. Surtout Keith d'ailleurs. Le funk est depuis quelques années à son apogée (James Brown, Funkadelic, Parliament). De quoi inspirer les Stones et les inciter à s'ouvrir à de nouveaux styles musicaux...

Ce qu'ils font indéniablement sur Black And Blue, album particulièrement hétéroclite dans leur discographie. Tout y passe : le funk (Hot Stuff ; Hey Negrita), le reggae (Cherry Oh Baby reprise d'Eric Donaldson), le rock (Hand of Fate ; Crazy Mama), les ballades (Memory Motel ; Fool To Cry) et même  le jazz (Melody). Avec plus ou moins de réussite cependant. La reprise reggae de Cherry Oh Baby est de l'avis général (que je partage) une horreur. De même j'ai beaucoup de mal avec le jazzy Melody, inspiré par Billy Preston et qui met en avant son piano, plutôt efficace mais qui s'accorde très mal avec le registre vocal de Mick. On dirait un mauvais pastiche...

Le groupe s'en sort (un peu) mieux avec les rocks Hand Of Fate et Crazy Mama. Non pas que ces deux morceaux soient du pur génie, surtout venant des Stones. Mais ils bénéficient d'une bonne production, de riffs honnêtes et de bons soli de guitare (même si on est loin de la flamboyance de Mick Taylor), qui les rendent rugueux et efficaces comme on aime chez eux. Même si forcément, comparés aux pépites de leurs discographies, Hand Of Fate et Crazy Mama n'ont rien d'indispensables et sonnent comme juste honnêtes...

La bonne surprise vient en fait des deux morceaux funk de l'album, Hot Stuff et Hey Negrita. Le premier surtout est une excellente surprise, tant les Stones parviennent à assimiler le son et la virtuosité de la section rythmique du funk. Le motif de basse qui revient en boucle est excellent (bien que répétitif, mais c'est inhérent à cette musique), les guitares un peu en retrait jouent parfaitement le style funk (énormes solos) et l'ensemble donne un morceau percutant et diabolique au possible. Le meilleur titre de l'album à mon goût et une excellente surprise. De même Hey Negrita, s'il est moins bon qu'Hot Stuff est un très bon titre, qui tire là encore bien profit de la section rythmique des Stones (les toujours impeccables Charlie Watts et Bill Wyman) et met les guitares à l'honneur. La voix hargneuse de Mick et le piano donnent un funk-rock méchant (les paroles) particulièrement jouissif, à en faire presque regretter que tout l'album n'ait pas exploré cette voie...

Restent les deux ballades, Memory Motel et Fool To Cry. Depuis Angie, les Rolling Stones s'étaient mis à dos une partie de leurs fans. Chose qui n'a surement pas dû s'améliorer avec ces deux chansons... Mais au demeurant je n'ai rien contre les ballades des Stones. La longue (7min07) Memory Motel s'en sort d'ailleurs tout à fait honorablement. Ce n'est pas Angie, Wild Horses ou Beast Of Burden, mais c'est une belle ballade assez émouvante à laquelle il ne manque peut-être finalement que la guitare de Mick Taylor... Je suis par contre nettement plus dubitatif sur Fool To Cry qui avait pourtant rencontré un certain succès en 45 tours à l'époque. Je ne sais pas si c'est l'overdose de guimauve (deux ballades en 8 morceaux quand même), ou la voix de falsetto de Mick Jagger qui ne colle pas du tout à mon oreille, mais j'accroche très modérément à Fool To Cry, que je trouve en plus atrocement répétitive.

Le bilan est donc assez mitigé pour ce Black and Blue qui dispose de quelques bonnes chansons (Hot Stuff, ; Hey Negrita ; Memory Motel), mais aussi et surtout de beaucoup de titres assez anodins voire mauvais (Cherry Oh Baby). On considère souvent cet album comme le premier raté des Stones. Ce n'est pas vraiment à proprement parler un raté, mais il est en effet nettement en dessous des albums qui l'entourent. Sans même parler de la période dorée du groupe, Black and Blue n'est pas à la hauteur de Goats Head Soup, It's Only Rock N'Roll,  The Rolling Stones - Some Girls (1978) ou Tattoo You (surtout ces deux derniers). D'ailleurs il est assez ironique que les deux meilleures chansons composées lors des sessions de Black And Blue soient Slave et Start Me Up, deux classiques des Rolling Stones... Qui se trouvent sur Tattoo You. Ce qui en dit long sur l'intérêt tout relatif de ce Black and Blue enregistré pendant une des périodes les plus noires (et bleue?) de l'histoire des Stones...

11/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.    

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 08:44

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/b/bf/JimiHendrixValleysOfNeptune.jpg

 

Tracks : Stone Free ; Valleys Of Neptune ; Bleeding Heart ; Hear My Train A Comin' ; Mr. Bad Luck ; Sunshine Of Your Love ; Lover Man ; Ships Passing Through the Night ; Fire ; Red House ; Lullaby for the Summer ; Crying Blue Rain

 

Pour être honnête avec vous, la première fois que j'ai écouté Hendrix, je n'ai pas aimé sa musique. Quelques années plus tard j'ai compris pourquoi. Malheureusement, je suppose que comme beaucoup de gens, j'ai attaqué l'œuvre d'Hendrix par une des multiples compilations (et pseudos albums) post-mortem qui jalonnent son œuvre. Il a fallu que j'écoute The Jimi Hendrix Experience - Are You Experienced (1967), quelques années plus tard pour comprendre. Pour prendre le génie d'Hendrix dans toute son ampleur. Finalement, j'en ai retenu que si le mythique guitariste n'avait fait que des merveilles de son vivant, il fallait être très vigilant dès qu'on se trouve face à un disque sorti après sa mort. Imaginez donc mon appréhension, voire mon hostilité, lorsqu'en 2010 est apparue la nouvelle de la sortie d'un nouvel album de Jimi Hendrix. Un NOUVEL album, 40 ans après sa mort. Au-delà de l'évidente exploitation commerciale (on y pense toujours, même si je passe facilement outre), j'avais surtout peur du contenu de ce disque. Il est si facile de faire n'importe quoi avec le répertoire du plus mythique des guitaristes du siècle dernier... Assez vite, des gages sont apparus. L'album est en effet produit par Eddie Kramer, ami du guitariste et producteur des albums sortis de son vivant. De plus il a vite été reconnu qu'il ne s'agissait pas d'un album, mais simplement de morceaux studios compilés pour la première fois dans certaines versions, et qu'il n'y avait en réalité qu'un seul titre inédit, intitulé Valleys Of Neptune. C'est ce morceau qui va d'ailleurs donner son titre à l'album. Valleys Of Neptune est en plus doté d'une superbe pochette. De quoi susciter mon envie donc... D'autant plus que ça reste Hendrix. Alors ce Valleys Of Neptune rend-il donc hommage à sa juste valeur au guitar-hero le plus célèbre de Seattle?

Les morceaux qui composent Valleys Of Neptune ont tous été enregistrés au début de l'année 69, dans un tournant de la carrière d'Hendrix. Ce dernier venait en effet de publier Electric Ladyland, et son groupe l'Experience touchait à sa fin (vers la fin de l'année il fondât Band Of Gypsys avec Buddy Miles et Billy Cox). C'est donc cette période charnière, mais néanmoins toujours très productive (une habitude chez Hendrix) que Valleys Of Neptune capte. Il y a donc l'Experience qui est présent sur la plupart des pistes (Mitchell joue sur toutes les pistes à part Bleeding Heart) sauf pour Noël Redding, qui ne s'entendait déjà plus vraiment avec Hendrix depuis quelques mois et qui est remplacé à la basse sur les trois premiers morceaux par Billly Cox. Période charnière donc, mais plutôt productive...

Car que ce soit sur des nouveautés (la chanson Valleys Of Neptune, joli petit morceau qui n'aurait pas dépareillé sur Axis : Bold As Love), sur des classiques de l'Experience (Stone Free ; Fire ; Red House) ou des reprises (Bleeding Heart repris chez Elmore James et Sunshine Of Your Love de Cream), Hendrix et ses musiciens sont en grande forme. Même si tous les morceaux sont connus (à part celui qui donne son titre à l'album), ils sont tous plus merveilleux les uns que les autres. La teinte blues que prend l'album à partir de Bleeding Heart n'est d'ailleurs pas pour me déplaire. Moi qui aime particulièrement le bluesman qui sommeille en Hendrix (qui à mes oreilles est un des plus grands bluesmen, comme Muddy Waters ou Willie Dixon), je suis ici particulièrement gâté par l'enchainement Bleeding Heart/Hear My Train A Comin' absolument dantesque... C'est à ce moment là que je succombe à chaque fois au charme de Valleys Of Neptune (cette version d'Hear My Train A Comin'...). De même j'adore particulièrement la reprise instrumentale et très rythmée (plus rapide que l'originale) de Sunshine Of Your Love, qui n'a pas le charme un peu pop de celle de Cream, mais devient entre les mains d'Hendrix un véritable rouleau compresseur. Je connaissais déjà des versions live de ce morceau, mais cette version studio est absolument magistrale. La tension ne se relâche d'ailleurs pas avec le musclé Lover Man, ou avec Ships Passing Through the Night, qui propose une excellente ligne de basse. Noël Redding est ici particulièrement au top, et la production magistrale fait que pour une fois, je distingue particulièrement bien son jeu.

Évidemment, comme je vous ai dit que j'adorais particulièrement les blues d'Hendrix, je ne peux pas ne pas vous parler de cette version absolument dantesque de Red House, qui passe ici des 3min53 d'Are You Experienced à une longue épopée blues de plus de 8 minutes... Du riff d'intro inquiétant, à la solidité rythmique du tandem Redding/Mitchell, en passant par les divers soli et le chant d'Hendrix, tout est absolument parfait (malgré une fin un peu frustrante)... Ajoutez à cela de très bonnes versions (même si assez proches des originales) de Stone Free et de Fire, des classiques indémodables d'Hendrix, et vous remarquerez que les morceaux d'Are You Experienced sont particulièrement bien repris sur Valleys Of Neptune. De quoi gâter tous les fans de Jimi dans leur totalité (à part ceux du Band Of Gypsys).

Assurément, ce Valleys Of Neptune est en effet un beau cadeau pour tous les amateurs du plus mythique des guitar-heroes. Il n'y à rien de révolutionnaire ici, enfin pour du Hendrix. Mais l'album, rendu particulièrement homogène par une excellente production, se savoure avec beaucoup de plaisir. Le choix des morceaux est excellent, et même si on est parfois en terrain réellement connu, l'odyssée dans ces vallées de Neptune est toujours un réel plaisir. Sans réelle surprise, peut-être un petit poil trop long (il y a peut-être un ou deux morceaux en trop, probablement Crying Blue Rain et Mr. Bad Luck), ce Valleys Of Neptune est néanmoins un beau témoignage du génie du Voodoo Chile. Ce qui 40 ans après sa mort est déjà un exploit en soit.

16/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.   

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21 janvier 2012 6 21 /01 /janvier /2012 00:17

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/1/1f/Jeff_Beck-Beck-Ola.jpg

 

Tracks : All Shook Up ; Spanish Boots ; Girl From Mill Valley ; Jailhouse Rock ; Plynth (Water Down the Drain) ; The Hangman's Knee ; Rice Pudding

 

Lorsque sort Truth en 1968, Jeff Beck et son groupe (le bien nommé Jeff Beck Group), semblent avoir inventé une nouvelle forme de blues. Plus violent et puissant que jamais, le blues devient entre les mains de l'ancien guitariste des Yardbirds une ébauche de ce qu'on appellera par la suite le hard-rock. Pourtant écouté aujourd'hui, The Jeff Beck Group - Truth (1968) peut faire ciller. On est (très) loin de la violence du futur hard-rock, incarné ne serait-ce que par Deep Purple quelques années plus tard. L'album est bon, mais un peu dépassé. Mais en fait, ce coté un peu « obsolète » de Truth ne date pas d'hier. De l'aveu même de Jeff Beck d'ailleurs. Car le 12 janvier 1969, un de ses anciens camarades des Yardbirds publie avec son groupe son premier album, appelé Led Zeppelin. L'arrivée du zeppelin de plomb dans le ciel anglais modifie toute la donne, et en premier lieu celle de Beck. Propulsé par la frappe de pachyderme de Bonham, les hurlements de Robert Plant et les riffs de Jimmy Page, Led Zeppelin a même le culot de piquer des morceaux des anciens Yardbirds (Dazed And Confused), ou de reprendre le même titre de Willie Dixon qu'on trouvait déjà sur Truth (You Shook Me). Rien que l'écoute de cette reprise par le Jeff Beck Group, puis par Led Zeppelin illustre bien l'écrasante domination du dirigeable. De quoi énerver Jeff Beck, qui connait en plus très bien Jimmy Page. De quoi le motiver pour donner une bonne leçon à son meilleur ami/ennemi. C'est donc fou de rage qu'il réunit à nouveau son groupe (sans le batteur Micky Waller qui est remplacé ici par Tony Newman) et entre en studio pour enregistrer le successeur de Truth, capable de concurrencer Led Zeppelin sur son propre terrain. Ce qui donnera Beck-Ola, deuxième album du groupe illustré par La Chambre d'écoute de Magritte et qui paraît en juin 1969. Une sorte de réponse du berger à bergère. Mais Beck-Ola parvient-il à être aussi puissant et jouissif que le premier Led Zeppelin?

 

C'est une reprise du King, All Shook Up qui ouvre les hostilités. Pourtant le morceau est totalement méconnaissable ici, tant il est violent et abrasif. Sur Beck-Ola, le Jeff Beck Group devait sortir les muscles. Promesse tenue, tant le son de guitare est violent, sale et saturé. Beck, grand technicien devant l'éternel, se lâche complètement ici avec un son saturé et lourd qui pourrait presque faire rougir les Sonics. Le groove apporté par le piano d'Hopkins et la frappe de Newman permet aussi à Beck de nous livrer des solis fulgurants. Mais la plus grand surprise à mon goût vient du chant éraillé et extrêmement puissant de Rod Stewart. On est loin de son chant délicat qu'il avait sur Truth. Robert Plant est passé par là. Mais ma foi, Rod est convaincant dans ce domaine. A des années lumières de Plant, mais efficace quand même sur cette reprise d'Elvis. D'ailleurs l'album compte aussi une autre reprise du King : Jailhouse Rock. Celle-ci est nerveuse et puissante (comme tout l'album), mais on y retrouve la structure de la chanson originale, notamment grâce au piano très rock n'roll de Nicky Hopkins et grâce au chant moins éraillé de Stewart. Un excellent titre, même s'il est plus conventionnel qu'All Shook Up.

 

Pour le reste, Beck-Ola est composé de cinq compositions originales qui sont dans ce même ton, nerveux et puissant. La seule exception est le délicat Mill Valley, morceau instrumental au piano signé Nicky Hopkins. C'est la seule chanson douce et calme de l'album, proposant une ambiance feutrée et léchée entièrement menée par un superbe piano. Un petit régal, comme j'aurais peut-être aimé en trouver un autre sur l'album (pour contraster avec l'énergie du reste). Car les quatre autres compositions sont brutes de décoffrage, abruptes et musclées. Plynth (Water Down the Drain) est un titre qui n'a par exemple rien à envier à Deep Purple, tant le riff est lourd, le jeu de cymbales de Newman énergique et tant les solis sont précis et inventifs. La seule chose qui fait (un peu) la différence par rapport à un morceau de Deep Purple par exemple, c'est le piano plein de groove d'Hopkins, décidément un des pianistes les plus importants de l'histoire du rock. De quoi nous abreuver avec délice de ce hard-blues de (très) grande qualité, complété aussi par les imposants Spanish Boots et The Hangman's Knee, avant-dernier morceau de la galette qui va chasser Led Zeppelin directement sur son terrain.

 

Mais le meilleur, Beck l'a gardé pour la fin avec le long Rice Pudding qui est mon titre préféré de l'album. Ici chaque musicien montre l'étendue de son talent (même Ron Wood à la basse) et le morceau vire à une jam blues-hard inventive et surpuissante. Mais sans oublier la délicatesse lorsque vers 3min30 le piano d'Hopkins s'associe avec un Beck soudainement apaisé et délicat. La puissance sans oublier la finesse, l'énergie, mais avec le feeling... Jeff montre ainsi à Page et à Hendrix qu'ils ne sont pas les seuls à savoir maitriser les contrastes à la perfection. Message entendu d'ailleurs, puisque le voodoo chile reprendra un des riffs de Rice Pudding dans In From The Storm. Du berger à la bergère...

 

Avec Beck-Ola, l'ex-guitariste des Yardbirds montre qu'il peut être (presque) au niveau de ses concurrents de l'époque, qu'ils soient issus des Yardbirds (Clapton chez Cream ou Page avec Led Zeppelin), ou venus d'outre atlantique (Hendrix, déjà à son sommet en 1969). Car si Truth avait vite vieilli, Beck-Ola garde aujourd'hui encore une bonne partie de son impact et de son efficacité. Beck était très en colère, et Beck-Ola en est un fruit absolument délicieux, même si trop court (l'album original ne fait que 30 minutes, et la réédition n'apporte réellement que Sweet Little Angel, une reprise de B.B. King comme titre intéressant). Malheureusement, le Jeff Beck Group ne survivra pas à cet album, miné par les conflits d'égos (Rod Stewart et Ron Wood vont quitter le groupe juste après cet album pour rejoindre les Faces), et par une poisse à peine croyable (prévu à l'origine pour aller à Woodstock, le groupe a dû annuler sa venue). Tout comme quelque part, il ne survivra pas à la parution de Led Zeppelin - Led Zeppelin II (1969), quelques mois plus tard. Réponse de la bergère au berger... Reste un classique de son époque, témoignage d'un climat musical impressionnant et d'un groupe qui quelque part, avait quand même beaucoup de génie(s). Peut-être même trop.

 

16/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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18 janvier 2012 3 18 /01 /janvier /2012 23:37

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Tracks : Moya ; Blaise Bailey Finnegan III

1999. Alors que le monde s'apprête à célébrer un nouveau siècle, l'heure du bilan s'impose. Ce XXème siècle a été celui de l'industrie florissante, puis de son recul, laissant à la ruine d'immenses cités comme Détroit ou Manchester. Ce siècle a été celui des totalitarismes et de la haine. Ce siècle a été celui de la culture de masse, par bien des vecteurs différents. L'un d'eux a été le rock. 1999, presque 50 ans d'histoire du rock. Pourtant depuis le début de la décennie 90, des groupes cherchent à inventer le « rock d'après », qui trouvera son nom ainsi : Le post-rock. Historiquement, le post-rock remonte au groupe Slint et à son deuxième album Spiderland, en 1991. Pourtant 1997 semble avoir été le moment où beaucoup de groupes de post-rock majeurs sont apparus sur scène. Parmi eux, on en compte trois qui deviendront des fleurons du genre : les écossais de Mogwai, les islandais de Sigur Rós et les canadiens de Godspeed You! Black Emperor. Ces trois groupes ont sorti leurs premiers albums à quelques mois d'intervalle en 1997. Et lorsqu'approche la fin du siècle, ils choisissent tous les trois de revenir à la charge. 1999 est donc l'année d'explosion du post-rock, si on considère que le genre existe en tant que tel (ce qui n'est pas si évident vu les disparités entre les groupes). Mogwai frappe (très) fort avec l'intense et lancinant Come On Die Young, tandis que les islandais de Sigur Rós semblent convoquer les anges sur Sigur Rós - Ágætis byrjun (1999) . Quant à Godspeed You ! Black Emperor, ils reviennent avec un EP, Slow Riot for New Zerø Kanada. Après la désolation magnifique de F#A#∞ et alors même que la « concurrence » frappe très fort, les canadiens de Godspeed You ! Black Emperor ne semblent donc rien lâcher de leurs idéaux révolutionnaires en cette fin de siècle... Et appellent même à une révolution au Canada. Au dos du disque apparaissent des instructions en italien pour fabriquer un cocktail molotov tandis que le recto cite la Genèse. Entre création et destruction, entre douceur et violence... Des contrastes réunis ici avec brio par le groupe?

Le voyage débute avec Moya, un des morceaux les plus courts de la carrière du groupe (10min51 quand même). C'est un bruit qui nous accueille, comme un train avançant peu à peu à travers la campagne ou comme un bateau s'approchant peu à peu des cotes (impression renforcée par ce bruit qui ressemble à une sirène)... Les paysages sereins et verts se dessinent peu à peu, au fil des cordes qui entrent peu à peu en action. Car ce sont bien les violons qui mènent complètement la danse lors des 4 premières minutes. Doux et tendres, à la fois stridents et émouvants ces violons forment une mélodie d'une beauté d'un autre monde. Et lorsque la guitare finit par égrener quelques notes vers 4 minutes, tout semble logique... Comme la transition d'un paysage en train. Après la beauté magnifique des cordes inhumaines, l'humain s'invite au fil de cette guitare calme. Vers 5 minutes c'est le rythme implacable qui fait irruption dans ce voyage rêvé. La batterie entre en scène, et le morceau prend alors une ampleur irréelle. Tout n'était qu'une esquisse de la fusion qui se crée devant nous. La danse entre les guitares saturées, la rythmique de plomb et les délicates cordes pourrait n'être que chaos... Et pourtant de ce chaos jaillit une étincelle d'une rare beauté. Comme si l'urbain commençait réellement à apparaître depuis la fenêtre du train, comme si nous nous approchions réellement de cette cité de la fin du XXème siècle. Le voyage s'accélère petit à petit. Imperceptiblement tout d'abord, avant d'éclater vers 7min 50. La fin ne sera qu'une course poursuite intense, une succession d'images entre la beauté des calmes violons qui m'évoquent la nature et les guitares saturées, qui m'évoquent un milieu urbain beaucoup plus sombre. Finalement, seul un violon solitaire conclue Moya, qui est vraiment un (le?) des plus beaux morceaux de toute la carrière des canadiens.

C'est une calme guitare qui égrène les notes unes à unes qui fait la transition sur les 30 premières secondes de Blaise Bailey Finnegan III avant de laisser la parole à l'homme du même nom. Ce dernier, que les fans de Godspeed You ! Black Emperor connaissent car il apparaît sur le morceau Providence de F#A#∞, débite un poème apocalyptique, qui est en fait la chanson Virus d'Iron Maiden (ce que le groupe ne savait apparemment pas à l'époque). D'ailleurs la rumeur veut que  Blaise Bailey Finnegan III soit peut-être l'ancien chanteur d'Iron Maiden Blaze Bayley. D'autres rumeurs prétendent qu'il s'agirait d'un sdf... Néanmoins la lecture passionnée de ce texte virulent (qui s'étale de 30 secondes à environ 4min 30) sur un fond de cordes est passionnante et enflammée, comme l'idéologie du groupe (violemment anticapitaliste) le veut... La suite, même sans discours, est tout aussi apocalyptique. La tristesse désolée s'emporte peu à peu en un cri des violons et des guitares qui explosent une première fois vers 7 minutes, avant de laisser place à un court silence de répit... Avant que Blaize ne revienne une deuxième fois apporter une touche humaine dans cette environnement urbain dévasté. Un long monologue sur un fond de bruits de moteur et quelques notes de piano qui s'évaporent au vent... Blaize Bailey Finnegan III livre pendant 3 minutes (de 8 minutes à 11minutes environ) un pamphlet enflammé contre les États-Unis, un état du Tiers-Monde selon lui... Le groupe en profite pour reprendre les choses l'a où il les avait laissées avant ce monologue. La musique revient, intense et puissante, émotionnelle et hargneuse. L'explosion qui avait débuté avant le monologue nous consume encore plus ardemment jusqu'à monter dans un crescendo infernal de batterie, de saturation et de cordes... Qui s'achève finalement dans des bruitages qui évoquent des fantômes et la désolation vers 15 minutes. Il n'y a plus de rage, plus de contestation. La fin du monde tel qu'on l'a connu est peut-être là. Il ne reste seulement  que des ruines à la beauté douloureuse, comme ce violon solitaire qui nous sert de guide durant les trois dernières minutes...

Ambiance de fin de siècle... C'est ce qui ressort du révolutionnaire (dans tous les sens du termes)  Slow Riot for New Zerø Kanada. Sombre et envoutant, cet EP retranscrit parfaitement au long de ses 30 minutes cette ambiance apocalyptique et urbaine qui fait la magie du groupe. Comme un penchant sombre à la beauté merveilleuse de Sigur Rós, Godspeed You ! Black Emperor nous met ici face à toutes nos émotions, positives (les cordes d'introduction de Moya), rageuses (les explosions d'électricité), révolutionnaires (les discours de Blaise Bailey Finnegan III) ou mélancoliques (le final). Mais finalement, une chose est sure. Si la révolution n'a jamais eu lieu au Canada et si le XXIème siècle n'est probablement pas meilleur que le XXème siècle, il restera toujours la beauté des rêves. Et même si le groupe a fait mieux (Lift Your Skinny Fists Like Antennas To Heaven), Slow Riot for New Zerø Kanada est un des plus beaux et sombres rêves de ces 15 dernières années...

17/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 09:30

 

Tracks : Our Day Will Come ; Between the Cheats ; Tears Dry ; Will You Still Love Me Tomorrow ? ; Like Smoke ; Valerie ; The Girl From Ipanema ; Half Time ; Wake Up Alone ; Best Friends, Right ? ; Body And Soul ; A Song For You

 

Ce 23 juillet 2011, il y avait comme un parfum d'inéluctable qui flottait dans l'air. Comme si le destin s'était finalement imposé, sans réelles surprises. Amy Winehouse venait d'être retrouvée morte. La diva de la soul était partie. Victime de ses abus. L'autopsie dira quelques mois plus tard que c'est un « stop and go », une absorption massive d'alcool après une longue période d'abstinence, qui a mis fin à la vie de la jeune fille, à l'age maudit de 27 ans. Personne n'a malheureusement été vraiment étonné, moi le premier. Depuis 2007, tout le monde prophétisait la chute de cette chanteuse hors norme. Ce qui a bien eu lieu, à l'age le plus symbolique qui soit pour une musicienne, 27 ans. Comme tant d'autres avant elle (Kurt Cobain, Robert Johnson, Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin et bien d'autres encore). Mais si la vie d'Amy trouvait là son triste épilogue, tous savaient d'ores et déjà que sa légende n'en était qu'à son commencement. C'est donc sans réelle surprise qu'à peine quelques mois après sa mort, nous apprenions la parution d'un nouvel album, retravaillé par les deux producteurs d'Amy (Mark Ronson et Salaam Remi) et destiné à être publié avant Noël. Aucune réelle surprise donc, à la sortie de ce Lioness : Hidden Treasures, mais beaucoup d'appréhension. Car l'exploitation des artistes post-mortem est souvent calamiteuse, comme en attestent des précédents comme Michael Jackson - Michael (2010), certains disques d'Hendrix, de Tupac ou de Bob Marley. Mais il existe aussi de jolies exceptions, comme le Pearl de Janis Joplin ou le Valleys Of Neptune d'Hendrix paru en 2010. Ce Lioness : Hidden Treasures est-il donc à ranger dans cette catégorie ou n'est-il qu'une supercherie uniquement commerciale?

 

Un rapide coup d'œil sur la composition du disque, ainsi que sur les dates d'enregistrement des titres permet d'éliminer l'hypothèse d'un « Pearl » pour Amy Winehouse. A la différence de Janis Joplin, lorsqu'Amy est morte, elle n'était pas en train de préparer un nouvel album studio. Seulement deux titres originaux sont postérieurs à 2007 et au succès phénoménal de  Amy Winehouse - Back To Black (2006) : Between The Cheats et Like Smoke. La première est un pur moment de soul avec des arrangements très riches et des chœurs masculins, sur lesquels se pose la voix de velours d'Amy, dans le plus pur style de Back To Black. Classe et efficace. Quant à la seconde, c'est probablement une des chansons les plus surprenantes de cette galette. On a en effet souvent fait remarquer (un peu à tort si on écoute Franck), que la soul d'Amy était « pure », sans métissage avec le hip-hop. Et bien sur Like Smoke, la voix soul d'Amy se pose sur des beats purement hip-hop et se livre à un duo/duel étonnant avec le rappeur Nas. C'est peut-être le morceau que j'aime le moins de l'album, mais il a au moins le mérite de montrer un autre visage de la chanteuse, plutôt innovant et assez intéressant.

 

Pour le reste il s'agit soit de versions alternatives de titres se trouvant sur Back To Black (Tears Dry On Their Own, ici dans une version plus lente et mielleuse avec un orchestre et Wake Up Alone, très sobre qui ne fait intervenir quasiment que la voix d'Amy), soit de titres originaux composés avant 2007 (Half Time et Best Friends Right?), soit de diverses reprises (Our Day Will Come ; Will You Still Love Me Tomorrow ? ; Valerie ; The Girl From Ipanema ; Body And Soul ; A Song For You).

 

Le meilleur est d'ailleurs plutôt à chercher du coté des reprises, qui constituent réellement les meilleurs moments du disque (même si les titres originaux et les versions alternatives des morceaux de Back To Black ne sont pas désagréables). Le titre d'ouverture Our Day Will Come, reprise de Ruby & The Romantics en version reggae, est par exemple un pur régal de groove et de classe. Les arrangement de Salaam Remi donnent une efficacité impressionnante à ce titre sur lequel Amy chante parfaitement, sans être (évidemment) à son sommet. Enregistrée à l'origine pour Franck, cette chanson aurait probablement dû s'y trouver, tant elle est belle et addictive... L'autre pépite, nettement plus connue, est Valerie, qu'Amy interprétait parfois en live et qu'on trouve aussi sur le deuxième album de Mark Ronson, Version paru en 2007. Le magasine Rolling Stone a dit de cette chanson qu'il s'agissait du seul enregistrement notable d'Amy depuis Back To Black, et la remarque est presque vraie, tant cette reprise est belle et efficace et le chant particulièrement impressionnant. En fait, la seule raison d'estimer que Valerie n'est pas sa seule bonne chanson enregistrée après Back To Black, c'est Body And Soul, dernier titre enregistré du vivant d'Amy avec le crooner Tony Bennett. Pur standard de jazz qui a été chanté par des grands noms comme Ella Fitzgerald, Billie Holiday ou Frank Sinatra, Body And Soul est ici une pure merveille de jazz orchestral, avec deux voix à leur sommet... La voix grave, profonde et parfaite de Bennett (quelle classe) et la noirceur de la voix d'Amy dévorée par ses addictions se marient ici sur le groove de l'orchestre dans une alchimie rare. Bien sur, le fait que ça soit le dernier titre enregistré par Amy aide à le faire entrer dans la légende, mais il est aussi réellement magnifique...

 

Les deux autres reprises, The Girl From Ipanema et A song For You valent surtout pour l'émotion qu'elles suscitent à présent. La première montre en effet la jeune Amy (le titre date de 2002) s'essayant pour la première fois à chanter en studio (moment d'émotion et de grâce purement candide, loin du désespoir d'un morceau comme Back To Black ou du cynisme d'un Rehab). La deuxième vaut surtout pour sa douceur mélancolique et ses paroles malheureusement prophétiques : « And when my life is over/Remember when we were together/we were alone and I was singing this song for you »...

 

Depuis la tombe, Amy chante en effet toujours pour nous. Espérons probablement pour la dernière fois, tant les fonds de tiroir semblent être minces. Lioness : Hidden Treasures est en effet révélateur sur ce point : lorsqu'Amy est morte, elle n'écrivait malheureusement presque plus, au contraire d'Hendrix ou de Janis Joplin. Néanmoins, ce disque s'en sort tout à fait honorablement, et même si l'intention commerciale est évidente, il permet au fan de pouvoir entendre quelques dernières pépites de la part de la diva de la soul... Rien d'exceptionnel, mais de très belles reprises (Valerie ; Body And Soul ; Our Day Will Come) et quelques titres originaux classes et plaisants (notamment Between The Cheats). Rien d'un nouveau Back To Black. Mais de quoi savourer une dernière fois avec beaucoup de plaisir cet énorme talent qui aura durablement marqué les années 2000...

 

14/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 09:00

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Tracks : Out on the Weekend ; Harvest ; A Man Needs a Maid ; Heart Of Gold ; Are You Ready for the Country? ; Old Man ; There's a World ; Alabama ; The Needle And The Damage Done ; Words (Between the Lines of Age)

 

Lorsqu'il parait en 1970,  Crosby, Stills, Nash & Young - Déjà Vu (1970) est un triomphe, à la fois critique et commercial. Devenu par la force des événements un des symboles de Woodstock et des idéaux hippies, l'album a définitivement fait entrer ses quatre créateurs dans la légende. David Crosby, Stephen Stills, Graham Nash, Neil Young. Tous les quatre ont déjà connu une carrière avant Crosby, Stills, Nash & Young. Le premier a été membre des Byrds, le troisième membre des Hollies et les deux autres ont été membres de Buffalo Springfield avant de se lancer tous les deux en solo. Mais si ces quatre là n'ont peut-être jamais été aussi brillants qu'ensemble, leurs discographies solo comportent aussi des disques remarquables (If I Could Only Remember My Name pour Crosby ; Manassas pour Stills). Mais bien sur, celui que l'histoire du rock a surtout retenu en solo est l'ombrageux Neil Young. Une notoriété publique que le Loner doit en partie à Déjà Vu, mais surtout à un album qu'il a enregistré deux ans plus tard en solitaire, Harvest. Quatrième disque solo de Neil Young, Harvest est probablement son album le plus célèbre. Il est aussi la meilleure vente d'albums de 1972, devant des poids lourds comme le Ziggy Stardust de Bowie, le Transformer de Lou Reed ou le Exile On Main Street des Rolling Stones. Autant dire que ce disque, successeur du magnifique Neil Young - After The Gold Rush (1970) , est un classique du rock. Mais au milieu d'une discographie aussi déroutante et fournie en perles comme en ratés que celle de Neil Young, Harvest mérite-t-il réellement son statut de classique, malgré le succès qu'il a apporté à son auteur?

 

Dans la vie personnelle et artistique du Loner, Harvest correspond à une période assez exceptionnelle de bonheur. Le canadien venait de vivre deux succès populaires d'affilée (le premier avec Crosby, Stills & Nash et l'album Déjà Vu, le deuxième en solo avec After The Gold Rush), son mariage allait à merveille et son premier enfant venait de naitre. Autant dire que tout allait bien pour lui. Ce qui se ressent sur Harvest, clairement un des albums les plus lumineux et les plus détendus de sa carrière. Pour l'enregistrer Neil n'a pas eu recours à son groupe d'accompagnement habituel, le Crazy Horse. Neil Young voulait un disque clair et champêtre, plus orienté vers la country que vers l'électricité brutale du Crazy Horse. C'est donc à Nashville qu'il enregistrât son 4ème album, accompagné d'amis comme Stephen Stills, David Crosby, Graham Nash ou Linda Ronstadt. Nashville, capitale de la country où il recrutât un nouveau groupe d'accompagnement, renommé The Stray Gators pour l'occasion. Soit Jack Nitzsche au piano, Ben Keith à la guitare, Tim Drummond à la basse et Aaron Kenneth Buttrey à la batterie. Tous des requins de studio, ayant joué avec Dylan, J.J. Cale ou les Rolling Stones. Et c'est ce groupe, qui accompagné d'un Neil Young très apaisé (et qui ne peut pas jouer de guitare électrique à cause d'une hernie discale) qui va nous livrer un album à la beauté rurale et lumineuse comme Harvest.

 

Car la pochette du vinyle (cartonnée et beige) annonce finalement très bien la couleur. L'album est doux et lumineux, détendu comme peut l'être un album de country rock. On est loin de la beauté mélancolique d'After The Gold Rush ou du désespoir magnifique de Tonight's The Night. Non, lorsqu'Harvest se lance et qu'on est accueilli par les deux premiers titres, ce n'est que du country rock, beau, mais assez vite oublié. Il faut attendre l'essai symphonique pour être (désagréablement) surpris. Neil Young fait en effet appel à un orchestre symphonique (le London Symphony Orchestra) pour donner de l'ampleur au titre. Sans succès à mon goût, tant j'ai l'impression d'entendre une mauvaise musique d'un Disney. L'essai n'est d'ailleurs pas plus fructueux sur There Is A World. Deux très mauvaises chansons et des titres à l'ambiance country qui sont jolis mais assez loin du génie habituel de Neil Young, voilà de quoi me dégouter...

Oui, mais voilà, le talent du Loner reste tout de même intact et il y a quelques chefs d'œuvres sur Harvest. Trois en fait. Heart Of Gold, Old Man et Alabama, qui sont trois chansons qui à elles seules justifient presque l'achat de la galette. La première est le seul single numéro 1 aux USA de sa carrière et retrace par sa beauté acoustique une quête spirituelle. Une simple pépite d'or acoustique avec Linda Ronstadt et James Taylor dans les chœurs, qui donne tout son sens au mot « beauté ». Absolument magistrale. Old Man est elle aussi un joyau acoustique emmené par le chant inoubliable de Young (là aussi assisté de Taylor et Ronstadt) et par un banjo absolument délicieux. Ce refrain inoubliable fait du morceau un des incontournables de l'album, voire de la carrière du Loner en général. Quant à Alabama, c'est la chanson la plus électrique et la plus vindicative d'Harvest. Reprenant les choses là où Southern Man les avait laissé sur l'album précédent, Neil Young s'en prend férocement au racisme du sud des États-Unis et l'importance du Klu Klux Klan dans la région, notamment en Alabama. C'est quasiment la seule fois de l'album où l'on entend une guitare électrique aussi nettement, et on regrette même presque que ça ne soit pas le Crazy Horse qui joue ici, comme sur Southern Man, ce qui aurait surement donné une teinte plus féroce au morceau. Néanmoins, ce dernier fera suffisamment polémique (Lynyrd Skynyrd y répondra avec Sweet Home Alabama) et est suffisamment beau pour me séduire.

 

Malheureusement, ça ne suffit pas à mon goût pour faire d'Harvest un réel incontournable de la discographie solo de Neil Young. L'album est bon, certes. Mais il lui manque l'émotion que peuvent susciter d'autres albums de sa discographie ou la rage contenue dans certains albums avec le Crazy Horse (Everybody Knows This Is Nowhere ; Ragged Glory). Il n'y a pas à mon goût cette étincelle propre à son génie sur cet album. Neil le dira lui-même. Harvest l'a mis au milieu de la route (l'album fut un carton colossal et est encore régulièrement cité comme un classique), mais il a tout fait pour en partir et chavirer dans le fossé. Ce que son addiction à la cocaïne et à l'alcool, et l'addiction de Danny Whitten et Bruce Berry à l'héroïne (déjà évoquée sur Harvest par la très belle The Needle And The Damage Done enregistrée en live) fera. Après la beauté détendue et lumineuse de ce disque, la nuit tombât. Après la perfection assez peu émouvante d'Harvest, l'émotion déchirante de Neil Young - Tonight's The Night (1975) ...

 

13,5/20 (NB : La note exprime juste le plaisir que j’ai ressenti personnellement à l’écoute, non pas une note de la technique musicale, ou même de la valeur réelle de l’album en général. Elle permet juste d’indiquer mon échelle de plaisir ressenti ici.)
 
Moi-même.
  

 

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4 janvier 2012 3 04 /01 /janvier /2012 22:04

Avec un peu de retard (une sorte de coutume sur ce blog), nous vous souhaitons à tous et à tous ceux que vous aimez une bonne année 2012!

 

Année très fructueuse que 2011 musicalement, entre retour des poids lourds des deux dernières décennies, révélations et confirmations et bien sur, déceptions... Probablement la meilleure des trois années musicales qu'a connu le blog (2009, 2010, 2011), tant nous avons aimé l'actualité de cette année. De quoi nous faire partager nos coups de coeur et nos déceptions en toute subjectivité...

 

Ce que nous avons aimé :

 

- Kasabian - Velociraptor! (2011) : Toujours un peu relégués au second rang chez nous, les anglais de Kasabian frappent fort, très fort avec leur quatrième album. Un (très) grand disque de pop qui succède au déja très réussi West Ryder Pauper Lunatic Asylum, qui était un des meilleurs disques de 2009 pour nous. Des habitués donc.

 

- Bon Iver - Bon Iver (2011) : Si je devais citer ma révélation de l'année, mon choix se porterait sur le groupe de Justin Vernom qui signe un deuxième album onirique, entre richesse des arrangements et beauté fragile de la voix. Une invitation au voyage magistrale et un des trois meilleurs disques de l'année.

 

- Thurston Moore - Demolished Thoughts (2011) : La preuve que derrière les éclairs électriques furieux de Sonic Youth se cache un vrai songwriter, qui peut se faire délicat et tout simplement beau, sans se départir de son style unique.

 

- Tom Waits - Bad As Me (2011) : Probablement le meilleur disque du sieur Waits depuis Mule Variations. Auto-référencé, mais vu le niveau des références, on ne va pas s'en plaindre...

 

-Olafur Arnalds - Living Room Songs : Ce qui est bien avec ce compositeur de musique classique, c'est qu'il progresse à chaque livraison, ce qui en dit long sur la beauté de ce Living Room  après la beauté de "...And They Have Escaped The Weight Of Darkness". Enregistré en une semaine, l'EP propose 7 titres que vous pourrez télécharger gratuitement et légalement ici (link).

 

- Eddie Vedder - Ukulele Songs (2011) : Après la BO d'Into The Wild, le leader de Pearl Jam revient avec un second album solo uniquement accompagné d'un ukulélé. Surprenant, mais très beau et évocateur.

 

- Miles Kane - Colour Of The Trap (2011) : Émancipé des Rascals et des Last Shadow Puppets, Miles Kane frappe fort avec son premier album solo, supérieur à mon gout à Suck It And See de la bande de son meilleur pote Alex Turner. L'album classe et efficace made in UK, entre Lennon, T-Rex et Oasis.

 

- Björk - Biophilia : Un album étrange, mais finalement envoutant, avec quelques moments de faiblesse, mais aussi de vrais moments de grâce, un peu dans la lignée de Vespertine.

 

- Sigur Rós - Inni : Un simple live ? Oui, mais c'est le premier livre (hors l'EP Heim) donnant une idée de la magie du groupe islandais sur scène. Plus électrique qu'en studio, le groupe nous propose un post-rock absolument magistral ici.

 

- Agent Fresco - A Long Time Listenning : Découvert sur scène, ce quatuor islandais est d'une puissance difficillement égalable en live... Ainsi qu'en studio, comme le prouve A Long Time Listenning, leur premier album brut de décoffrage, me rappellant parfois la fraicheur de Showbizz, le premier album de Muse. Peut-être même en mieux. Affaire à suivre.

 

- Mogwai - Hardcore Will Never Die, But You Will : Je connais mal l'oeuvre de ces écossais, mais leur dernier album est assurément un retour au sommet pour un post-rock oscillant toujours entre la furie électrique et les ambiances léchées et calmes.

 

Ce qui nous a déçu :

 

- Justice - Audio, Video, Disco (2011) : Leur premier album Cross avait attiré mon attention sur ce groupe phare de la French Touch. Mais son successeur n'est pas à la hauteur de ce que j'attendais du groupe, qui innove, mais se perd en chemin à mon gout.

 

- Beady Eye - Different Gear, Still Speeding (2011) : Oasis sans Noël Gallagher, ou la chronique d'un échec écrit d'avance. Le groupe a réussi à susciter mon attention sur quelques chansons avant la sortie de l'album. Mais une fois la galette écoutée, l'espoir n'a pas duré, même si ce n'est pas aussi catastrophique que ça aurait pu l'être.

 

- SuperHeavy - SuperHeavy (2011) : Deux concurrents sérieux au titre de pire disque de l'année. Celui-ci est le favori pour ce titre. Désolé Mick...

 

- Lou Reed & Metallia - Lulu : Voici l'autre concurrent à ce titre de plus mauvais disque de l'année. Pourtant j'adore l'univers de ces deux artistes, mais là... Le pire, c'est que mieux produit et travaillé, la rencontre aurait pu être belle.

 

- Metronomy - The English Riviera : Pas vraiment une déception, mais la hype autour de ce groupe (les Inrocks, Libération) m'a forcé à revenir y poser une oreille à plusieurs reprises. J'ai systématiquement été déçu, trouvant le disque insipide et plat.

 

Restent des albums sympathiques que nous n'avons pas mentionné (The King Of Limbs de Radiohead ; Let Them Talk D'Hugh Laurie, Go Tell Fire To The Mountain de WU LYF ou Lioness : Hidden Treasures d'Amy Winehouse, Angles des Strokes), mais qui ont aussi marqué 2011. A noter aussi pour nous un superbe concert de Roger Waters interprétant The Wall à Bercy, véritable choc de l'année ( [Concert] Roger Waters Plays The Wall Paris 01/07/2011 ).

En espérant pour 2012 une nouvelle livraison studio de Sigur Rós, un nouvel album de For A Minor Reflection, sorte de Mogwai islandais, un éventuel nouveau Muse, une reformation des Rolling Stones pour leurs cinquante ans et un retour du show The Wall de Roger Waters en Europe. Et surtout une bonne année pour vous tous, ami(e)s lecteurs/lectrices!

 

Et vous, qu'avez-vous aimé en 2011?

 

Moi-même et Nizouille.

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25 décembre 2011 7 25 /12 /décembre /2011 19:17

http://4.bp.blogspot.com/_cxj4LTQ4g80/TPDWwjr3_sI/AAAAAAAAAyU/3p8mShSnfOA/s1600/bob-dylan-christmas-album.jpg

 

Nous vous souhaitons à tous un joyeux Noël! En espérant que le père noël vous ait apporté plein de bon son à savourer ou ce que vous désirez d'autre et que vous et votre famille soyez heureux!

 

 



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  • : Blog de chroniques Pop-rock, albums et concerts. Le blog a été tenu à plusieurs mains entre 2008 et 2014, puis repris en 2019 après 5 ans d'absence. Les chroniques seront à partir de 2019 hébergées ici et sur le site de la boite de nuit Pop-Rock Les 3 Orfèvres, située à Tours (37) dont je suis désormais le DJ. Si vous voulez suivre le blog sur Facebook pour vous tenir au courant des dernières nouveautés : http://www.facebook.com/home.php?#!/pages/Rock-n-blog/203862439693573 Et pour la boite de nuit Les 3 Orfèvres : https://www.facebook.com/les3orfevresdiscotheque/?epa=SEARCH_BOX Bonne visite à toutes et à tous ! Moi-même.
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